Les mois de mai et avril ont été marqués par un très fort rebond des marchés aux quatre coins du globe, les actifs risqués ayant effectivement eu un aperçu de la reprise en V dont tout le monde parle. Les marchés des actions ont sonné la charge, mais dans l’univers obligataire, les produits de spread ont enregistré de très fortes hausses au cours des deux derniers mois. En effet, les actifs risqués comme le haut rendement et la dette émergente ont enregistré des hausses de près de 8 %, tandis que les obligations européennes Investment Grade ont gagné plus de 3 %. Les obligations souveraines des pays « core » ont évolué à la hausse début avril, mais elles ont quelque peu stagné durant la deuxième quinzaine du mois et en mai, alors que les obligations souveraines périphériques ont fortement rebondi. L’optimisme du marché peut être attribué en partie au ralentissement de la propagation du Covid-19 en Europe, dans la mesure où un grand nombre de gouvernements ont commencé à mettre en place des programmes de relance pour accompagner la levée progressive des mesures de confinement qui devrait commencer en mai ou juin. Après avoir touché un point bas historique, les cours du pétrole ont fortement augmenté à la faveur d’un léger rebond de la demande (la Chine a annoncé de nouveaux projets d'infrastructure) et d’une baisse sans précédent des niveaux de production en Arabie saoudite. Cela étant, ce récent rally haussier est dû en grande partie aux plans de soutien à l’économie sans précédent mis en œuvre par les banques centrales. Ceux-ci ne se limitent pas à des mesures exceptionnelles et à des baisses de taux d’intérêt : ils incluent également des mesures de soutien illimité à l’économie, comme l’a répété Jérôme Powell dans son dernier discours.
Malgré ces évolutions favorables, l’absence de soutien fondamental nous préoccupe toujours. Cela rend le marché vulnérable à de futures corrections, même s’il est indéniable que le filet de secours offert par les banques centrales confère un soutien solide. Les mois d’avril et de mai ont été marqués par la publication de statistiques désastreuses : les États-Unis ont enregistré 20 millions de nouveaux chômeurs, la récession pointe le bout de son nez en Europe, les ventes de détail s’effondrent et les marchés émergents continuent à pâtir des effets de la mise à l’arrêt de l’économie mondiale. Malgré le déconfinement, la question clé concerne toujours la rentabilité et la productivité des entreprises face à la nouvelle norme que représente la distanciation physique. En effet, tant qu’aucun vaccin ou traitement n’aura été trouvé, la plupart des secteurs auront bien du mal à retrouver les niveaux de rentabilité et les flux de revenus qu’ils affichaient avant la crise du Covid-19. De plus, de nombreux observateurs doutent qu’il soit possible de relancer l’économie par le biais de la consommation. La crise que nous traversons a mis en lumière un manque de trésorerie des entreprises et la nécessité, pour les ménages, de se constituer une épargne afin de pouvoir faire face à des événements de ce type et nul ne saurait ignorer cette réalité. Dans un monde où une part substantielle des baby-boomers approchent l’âge de la retraite, il est normal de se demander si la population mondiale est plus encline à mettre de l’argent de côté qu’à consommer au lendemain de la pandémie de coronavirus. Cela remet en question la reprise en V dont tout le monde parle, un scénario que nous considérons comme très optimiste. La hausse des valorisations et l’amélioration des conditions de marché nous commandent d’être plus sélectifs et prudents. Nous nous efforçons donc de sélectionner les opportunités les plus rentables grâce à un travail de recherche rigoureux. Pour ce faire, nous surveillons attentivement les risques et nous refusons de tenir pour acquis le redressement du marché.
Positionnement neutre sur les taux américains et européens
Alors que le déconfinement débute dans la plupart des pays européens et aux États-Unis, certains signes laissent entrevoir un retour à la normale pour les entreprises et pour les populations dans leur ensemble. Dans ce contexte, nous pourrions assister à une amélioration des statistiques macroéconomiques (qui restent toutefois très faibles). Par conséquent, nous escomptons une légère hausse des taux de rendement des bons du trésor américain. Cette hausse sera toutefois limitée en raison de la mise en place progressive du programme d’assouplissement quantitatif annoncé par la Fed. Notre position longue sur les bons du Trésor américain nous a été très bénéfique depuis le début de l’année. Partant, nous avons l’intention de prendre une partie de nos bénéfices après le rally et d’ajuster notre exposition tactique vers un positionnement plus neutre.
Pour leur part, les autres taux du bloc dollar nous semblent intéressants et nous affichons un positionnement légèrement positif sur les taux canadiens et néo-zélandais. La courbe des taux souverains canadiens semble relativement plus inclinée, alors que la Nouvelle-Zélande peut compter sur une banque centrale conciliante qui va étendre son programme d’assouplissement quantitatif pour contenir le coût du service de la dette.
Nous affichons un positionnement neutre sur la duration dans l’UE car nous anticipons une consolidation après la fin du programme d’assouplissement de la BCE et de nouvelles discussions sur le projet de fonds de relance « Next Generation EU ». Néanmoins, nous estimons que les valorisations des taux souverains des pays core de la zone euro restent relativement élevées et nous comptons les sous-pondérer légèrement par rapport aux taux souverains des pays de la périphérie de l’Europe. C’est la raison pour laquelle nous surpondérons les taux espagnols, portugais et italiens par rapport aux taux allemands. Les taux souverains des pays périphériques ont surperformé les taux souverains des pays « core » en mai, portés par les programmes d’achat d’actifs de la BCE, y compris le Programme d’achat d’urgence face à la pandémie, dont le montant s’élève à EUR 600 milliards. De plus, ils devraient être les principaux bénéficiaires du fonds de relance « Next Generation EU », dont la dotation devrait s’élever à EUR 750 milliards. Le fonds de relance a l’appui de la France et de l’Allemagne mais les observateurs se demandent si sa force de frappe sera suffisante et si un accord sera rapidement trouvé avec les états membres plus réticents (Autriche, Pays-Bas, Suède et Danemark).
Neutre sur les obligations européennes et américaines indexées sur l’inflation
La contraction des taux d’inflation pèse sur la classe d’actifs et nous pensons que cette tendance se poursuivra dans les mois à venir car le scénario d’une forte réflation post-COVID 19 nous semble peu probable. Par conséquent, nous affichons un positionnement neutre sur les obligations européennes et américaines indexées sur l’inflation. Par ailleurs, nous avons pris nos bénéfices sur les obligations australiennes indexées sur l’inflation dans le sillage de leur excellente performance en mai et juin.
Positionnement neutre sur le dollar et sous-pondération de la livre sterling
Notre modèle interne laisse entrevoir une dépréciation du dollar. Les baisses de taux, le programme d’assouplissement quantitatif et la politique conciliante de la Fed sont autant de facteurs qui augurent également d’un recul du billet vert. Néanmoins, le dollar semble avoir retrouvé son statut de valeur refuge lors du rally de la mi-mars (les investisseurs se sont rués sur le dollar pour se mettre à l’abri des répercussions de la pandémie de coronavirus) après avoir fortement dévissé durant la première partie de la correction. Dans ce contexte, nous préférons adopter un positionnement neutre sur le dollar et continuons à gérer notre position de manière tactique.
Il y a fort à parier que la livre sterling restera sous pression, dans la mesure où le Royaume-Uni est l’un des pays les plus meurtris par le Covid-19. De plus, le pays reste plombé par un important déficit public et un lourd déficit de sa balance courante et les négociations commerciales avec l’Union européenne semblent de plus en plus difficiles. Les deux parties semblent peu enclines à faire des efforts pour repousser la date butoir pour une sortie de l’UE et les discussions semblent être dans une impasse. Enfin, la Banque d’Angleterre poursuit (légitimement) sa politique extrêmement conciliante, ce qui devrait profiter à notre sous-exposition à la devise britannique.
Dans un environnement où les risques politiques sont légion (guerres commerciales, manifestations aux États-Unis, « Brexit »), le yen fait office d’actif refuge conférant une protection à moindre coût. C’est la raison qui nous pousse à surpondérer tactiquement la monnaie nippone.
Optimisme vis-à-vis des obligations Investment Grade et positionnement neutre sur le haut rendement
Dans le contexte actuel, les investisseurs ont profité des valorisations en berne pour consolider leur exposition aux émetteurs Investment Grade (IG) et High Yield (HY), principalement via la réouverture des marchés primaires. Cette fenêtre d’opportunité a permis à des entreprises IG d’émettre pour plus de EUR 100 milliards en avril, ce qui en a fait le mois le plus faste en termes de volume d’émission depuis 2013. Ce regain d’activité a provoqué une compression des primes de risque sur les secteurs européens de l’IG et du HY. Nous continuons à surpondérer les obligations IG européennes, mais nous surveillons attentivement les risques y afférents et nous nous montrons particulièrement sélectifs. Les valorisations ont légèrement augmenté au cours des deux derniers mois mais elles restent attractives. Le vaste programme d’assouplissement quantitatif mis en œuvre par la BCE fait que l’institution monétaire détient désormais 20 % des obligations IG pouvant prétendre au programme de rachat de titres. Ce chiffre pourrait atteindre 40 % d’ici la fin de l’année. Ce filet de sécurité soutient fortement les facteurs techniques. De plus, nous constatons des dislocations sur le spectre des maturités de l’univers d’investissement : les variations de spread montrent que le segment des obligations EUR IG à court terme ont subi un élargissement des spreads plus important que les obligations EUR IG à long terme, alors même que les titres à court terme sont réputés être plus sûrs.
Toutefois, nous portons une attention toute particulière au risque d’abaissement de notation (qui pourrait créer de nombreux anges déchus), que nous estimons assez élevé sur les marchés IG. La baisse des obligations EUR IG est due non seulement à une panique irrationnelle qui a vu les investisseurs vendre sans discernement à cause de la propagation du virus, mais également au fait que les investisseurs ont vendu les actifs les mieux notés et les plus sûrs afin d’alimenter la liquidité. Dans ce contexte, il est important de se montrer sélectifs et de se concentrer sur les secteurs défensifs (télécommunications, distribution), tout en faisant preuve de prudence vis-à-vis des secteurs cycliques (énergie, automobiles). De plus, nous pensons que le segment US IG affiche également des valorisations relativement intéressantes. Il est important de préciser que la décision de la Réserve fédérale consistant à acheter des obligations d’entreprise (et donc, des obligations IG) constitue un événement important qui soutiendra à n’en pas douter cette classe d’actifs. C’est la raison pour laquelle nous surpondérons légèrement les obligations US IG en portefeuille.
Nous faisons preuve de sélectivité sur tous les marchés du crédit, quand bien même nous conservons un positionnement neutre sur le haut rendement européen, qui ne profite pas directement du programme d’achat de titres de la BCE. Par ailleurs, la baisse des cours du pétrole pèse davantage sur le segment HY. Nous prévoyons une dérive négative car il y aura plus d’abaissements de notation que de rehaussements, comme c’est toujours le cas en temps de récession, et nous pensons que le taux de défaut va atteindre environ 10 % aux États-Unis. Dans ce contexte, et malgré des valorisations favorables (taux de rendement supérieurs à 7 %), nous préférons conserver un positionnement neutre sur la classe d’actifs.
Marchés émergents : La reprise s’est poursuivie en mai, sur fond d’assouplissement monétaire aux quatre coins du globe
À moyen terme, nous surpondérons les obligations souveraines des marchés émergents libellées en monnaie forte et surpondérons encore plus les taux des marchés émergents car nous avons identifié des poches de valeur sur les segments des obligations souveraines et d’entreprise EMD IG et HY. Nous sommes moins optimistes vis-à-vis des devises des marchés émergents car ce sont des actifs sensibles à la croissance qui sous-performent pendant les périodes de ralentissement de l’activité économique, périodes plus favorables aux actifs refuges comme les bons du Trésor américain et le dollar.
Ce positionnement repose sur l’hypothèse principale d’une reprise progressive de la croissance mondiale aux 3è et 4è trimestres, après le confinement survenu au 1er semestre 2020 à cause de la pandémie de Covid-19. L’ampleur du ralentissement de l’activité est difficile à évaluer. Sommes-nous à la moitié d’un confinement qui durera un ou deux mois ? Allons-nous subir un second confinement en fin d’année en cas de résurgence de l’épidémie ? Les systèmes de santé et les responsables politiques parviendront-ils à contenir la propagation de la pandémie et à éviter la perte définitive de capacités de production ? Toutes ces questions sont autant d'inconnues.
Il y a fort à parier que les autorités adopteront de nouvelles mesures d’assouplissement monétaire et de relance budgétaire pour essayer d’atténuer l’impact économique des mesures de confinement, mais ces interventions ne pourront qu’amortir le coup à court terme et ne suffiront certainement pas à éviter des récessions techniques dans les pays développés ou émergents.
Nous pensons que la Fed poursuivra plus avant ses efforts pour atténuer l’impact déflationniste de la stratégie de confinement. Nous pensons également que la Fed poursuivra sa politique de taux directeurs quasi nuls, ses mesures d’assouplissement quantitatif et ses injections de liquidité. L’objectif est de garantir la stabilité des marchés des emprunts d’État, des pensions livrées et des instruments monétaires, des actifs titrisés, des créances titrisées et du crédit US jusqu’à ce que l’économie américaine revienne à la normale, éventuellement au dernier trimestre de l’année. Nous n’excluons pas l’hypothèse selon laquelle la Fed pourrait étendre ses injections de liquidité au marché du crédit US HY et à certaines entreprises opérant dans les secteurs les plus durement touchés (compagnies aériennes, par exemple). La Fed a déclaré qu’elle ferait le nécessaire pour compenser l’impact de la pandémie après un premier plan de relance de 2000 milliards de dollars adopté par le Congrès. Dès lors, nous nous attendons à ce que la Fed normalise les conditions de liquidité en dollars, ainsi que les marchés des bons du Trésor et du crédit IG.
Nous nous attendons également à voir les dirigeants politiques et les banques centrales des autres pays développés et pays émergents mettre en œuvre des politiques budgétaires expansionnistes et, si cela est possible, relancer des programmes d’assouplissement quantitatif d’urgence et des programmes de rachat d’obligations afin d’atténuer l’impact du confinement sur l’économie réelle et afin d’éviter un resserrement excessif des conditions de financement.
Tant que l’activité économique ne sera pas redressée, il y a fort à parier que les mesures de relance budgétaire et d’assouplissement monétaire n’auront aucun effet inflationniste car la contraction de l’activité est sans précédent et profonde. La baisse des cours du pétrole, du gaz, des matières premières industrielles et des matières premières agricoles et la hausse du dollar (qui profite d’une ruée vers la sécurité durant les périodes de récession) devraient alimenter une tendance déflationniste à court terme.
De son côté, la Chine a mis fin à une période de confinement de deux mois. Le reste du monde va pouvoir observer à quelle vitesse l’activité économique se redresse et s’il y a une deuxième vague de la pandémie à l’heure où le gouvernement lève les mesures de distanciation sociale. Nous pensons que le taux de croissance de l’économie chinoise ne dépassera pas les 3 % en 2020 (même si un taux de 4-5 % traduisant un retour vers la moyenne tendancielle à moyen terme est probable) car la faiblesse de la demande extérieure grèvera la reprise de la demande intérieure aux 2è et 3è trimestres.
Les perspectives relatives aux prix du pétrole sont assez incertaines et peu réjouissantes du fait de la hausse de la production et de la forte baisse de la demande provoquée par la mise à l’arrêt de l’économie durant la pandémie. L’OPEP devrait se réunir en juin, comme prévu, mais ne sait pas, à ce stade, si un nouvel accord portant sur la réduction de la production de pétrole pourra être trouvé. Nous pensons que le prix du baril, actuellement très bas, va rebondir pour se hisser à un prix moyen annuel compris entre $30 et $40.
Nous nous attendons à beaucoup d’incertitude et à une forte volatilité boursière à court terme, jusqu’à ce que les risques liés à la pandémie commencent à disparaître. Nous préférons adopter le positionnement le plus défensif possible à très court terme et délaisser le segment HY, très performant, au profit des obligations IG, à la traîne.
Dans notre scénario central à moyen terme, les cours du pétrole se stabilisent aux alentours de $30-40, l’économie mondiale se contracte de -1,5 % en 2020 car la plupart des marchés émergents et marchés développés tombent en récession technique au 1er semestre, mais une reprise en U a lieu au 2è semestre 2020, le spread HY-IG se resserre (en raison du retracement des fortes variations qui avaient affecté les exportateurs de pétrole et les obligations HY vulnérables début mars), tout comme le spread de l’indice EM (aux alentours de 350 pb d’ici la fin de l’année). Dans notre scénario central, nous excluons l’hypothèse d’événements de défaut purs et simples de la part de l’Angola et de l’Équateur car les échéances de remboursement sont assez légères, de l’ordre de 1,5-2 milliards de dollars chacun en 2020, et les déficits de financement peuvent être compensés via des mesures de restriction budgétaire par encore annoncées
Dans l’univers de la dette émergente en monnaie forte, nous avons supprimé notre exposition aux émetteurs HY comme la Côte d’Ivoire et la Turquie, qui ont surperformé, au profit d’émetteurs IG comme l’Inde et l’Indonésie. Nous avons également réduit notre exposition nette aux émetteurs IG d’Amérique latine comme le Chili, la Colombie et le Panama à cause des inquiétudes liées à la pandémie de coronavirus. Nous avons réduit notre exposition au secteur de l’énergie, et principalement notre exposition au Conseil de coopération du Golfe (CCG).
Devise forte
La dette émergente en devise forte a enregistré sa moins bonne performance mensuelle depuis octobre 2008. La classe d’actifs a pâti de la propagation de la pandémie de Covid-19 et de la guerre qui a éclaté entre les pays producteurs de pétrole, qui a fait chuter le prix de l’or noir de 55 %. Les banques centrales et les gouvernements des marchés émergents ont réagi en abaissant leurs taux d’intérêt et en mettant en place des programmes de rachat d’obligation et des programmes de relance budgétaire contra-cycliques. Les spreads des marchés émergent se sont creusés de 253 pb (à 626 pb), tandis que le taux des bons du Trésor US à 10 ans a baissé de 48 pb (à 0,67 %), ce qui a engendré un spread négatif (-17 %) et une performance positive des bons du Trésor (+3,8 %). Le IG (-8,1 %) a surperformé le HY (-20,7 %). La Lituanie (+1,2 %) et la Pologne (0,4 %) ont signé les meilleures performances, tandis que l’Angola (-60,8 %) et l’Équateur (-59,3 %) ont enregistré les moins bonnes performances.
Les valorisations des obligations émergentes en devise forte, excessives jusqu’à présent, se sont détendues et semblent désormais attrayantes au regard des fondamentaux de la classe d’actifs, tant en termes absolus que relatifs. La dette émergente en devise forte offre désormais un taux de rendement de 7 % et une prime de risque de 626 pb, ce qui en fait l’une des plus attractives depuis 2008. Le différentiel de spread HY-IG ressort à 728 pb, ce qui représente le plus gros écart de l’histoire. Malgré une analyse fondamentale et technique rendue compliquée par l’incertitude à court terme liée à la propagation de la pandémie et à son impact sur la croissance mondiale, par le timing de la reprise économique post-confinement, par les abaissements de notation dans le segment de la dette émergente et par le risque de décollecte, les valorisations des obligations émergentes devraient en faire des actifs prisés à moyen terme. À horizon d'un an, nous pensons que la dette émergente libellée en devise forte offrira un rendement d’environ 23 %, en partant de l’hypothèse d’un taux de rendement de 1,25 % pour les bons du Trésor américain à 10 ans et d’un spread de 350 pb par rapport à la dette émergente.
Nous avons sous-performé l’indice, notamment à cause de la surpondération des pays exportateurs de pétrole vulnérables à la conjoncture comme l’Angola, l’Équateur, Pemex et l’Argentine. La sous-pondération des émetteurs IG (Chine, Philippines, Pérou, Pologne) a également grevé la performance. En mars, nous avons commencé à délaisser les émetteurs HY surperformants (Côte d’Ivoire et Turquie) au profit d’émetteurs IG sous-performants (Inde et Indonésie), tout en conservant une exposition aux émetteurs émergents en difficulté, dans l’espoir de voir les valorisations rebondir à des niveaux plus élevés. La duration absolue (-46 pb, à 8,19 ans) et la duration relative (-4 pb, à +1,06 an) ont diminué durant le mois.
Nous continuons à surpondérer le HY par rapport au IG. Dans l’univers HY, nous avons réduit notre exposition à la Côte d’Ivoire et à la Turquie, car ces émetteurs ont surperformé le marché baissier en mars.
Sur le segment des exportateurs d’énergie, nous affichons une position courte nette de 8 % et un positionnement en duration de spread inférieur de 0,71 an par rapport à l’indice de référence. Néanmoins, ces exportateurs d’énergie représentent toujours environ 1/3 du bêta du DTS global de la stratégie. Notre positionnement dans le secteur de l’énergie se décompose comme suit : surpondération de l’Azerbaïdjan et du Kazakhstan, extrémité longue sur Pemex et Pétrobras, légère surpondération de l’Angola, de l’Équateur et de l’Irak, tous en grande difficulté financière, positionnement neutre sur le Ghana et le Nigeria, sous-pondération du Gabon, sous-pondération totale de la Russie, de l’Oman et de l’Arabie saoudite et sous-pondération quasi-totale (-12 %) des autres pays du Conseil de coopération du Golfe, avec une exposition qui se concentre sur les deux pays les mieux notés, Abu Dhabi et le Qatar.
Nous conservons une exposition à l’Argentine, dont les titres de dette s’échangent à environ 35 centimes actuellement, un niveau nettement inférieur à la valeur de recouvrement escomptée d’environ 60-70 cents face au dollar. Dans l’univers IG, nous détenons des positions sur l’Indonésie et la Roumanie, mais nous restons sous-exposés aux émetteurs les plus défensifs comme la Chine, la Malaisie, les Philippines et le Pérou.
Nous avons partiellement couvert notre sous-pondération de la dette libanaise sur la base d’une valeur de recouvrement avoisinant les 25 cents juste avant que le pays fasse officiellement défaut sur sa tranche de dette à échéance du 9 mars, d’une valeur de 1,2 milliard de dollars. Nous escomptons une valeur de recouvrement d’environ 35 cents car le Liban aura besoin d’importantes décotes pour redevenir solvable par rapport à son ratio d’endettement dette publique/PIB actuel, qui ressort à 170 %. Dans la mesure où nous nous attendons à un long processus de restructuration de la dette qui pourrait créer des points d’entrée plus intéressants, nous restons en retrait pour le moment.
Concernant le Brésil, le Mexique et la Turquie, nous surpondérons des obligations d’entreprise affichant des valorisations attractives et sous-pondérons les obligations souveraines. Cela donne une exposition totale aux obligations d’entreprise de 9,2 %.
Au Mexique, nous détenons des CDS sur Pemex et une protection longue contre la volatilité de la classe d’actifs. Pour nous protéger contre toute nouvelle tension sur les marchés, nous avons également ouvert une position tactique de duration 1,2 an sur les bons du Trésor américain à 10 ans. Nous considérons cette position comme une protection contre une nouvelle poussée d’aversion au risque et contre de nouvelles ruées vers les valeurs refuges.
Devise locale
La dette émergente en monnaie locale a subi une correction de 14 % en mars, principalement imputable aux devises (-12 %) et aux taux (-3,3 %). En revanche, l’arbitrage sur devise a soutenu la performance à hauteur de 0,9 %. Tout au long du mois, les cas de Covid-19 se sont multipliés de manière exponentielle aux quatre coins du monde. Les marchés des actions ont chuté de 20 % et les cours du pétrole se sont effondrés de 55 %. La guerre tarifaire entre la Russie et l’Arabie saoudite a concouru à amplifier la baisse. Les bons du trésor US ont terminé le mois en baisse de 60 pb, mais minés par d’importants problèmes de liquidité, ils ont enregistré des baisses intra-mensuelles de 60 pb. Les devises à bêta élevé ont enregistré les plus fortes baisses. Le MXN (-19 %), le RUB et le BRL (-18 % chacun) ont sous-performé, suivi par le COP, le ZAR et l’IDR. Les devises asiatiques ont surperformé le PHP (stable), le THB (-5 %) et, de manière générale, les devises à faible bêta, y compris les devises CEE.
Dans l’univers des taux en monnaie locale, nous avons assisté à des performances plus disparates : l’Afrique du Sud et la Colombie ont sous-performé sur fond d’inquiétudes budgétaires (+175 pb et + 130 pb respectivement), tandis que la Turquie a souffert (+275 pb) à cause de difficultés de financement externe. Les autres émetteurs hautement rémunérateurs ont effacé la moitié de la correction après un fort rally en milieu de mois (Russie +60 pb, Brésil +28 pb). Les émetteurs peu rémunérateurs ont terminé le mois en hausse, à l’exception de la Pologne et de la République tchèque (-57 pb et -13 pb respectivement).
Nous avons surperformé l’indice de référence de 8 pb (performance nette), En début de mois, nous avons renforcé notre position courte sur les devises à bêta élevé pour couvrir notre surpondération résiduelle. Nous avons eu beaucoup de mal à dénouer nos positions sur l’Ukraine et la République dominicaine et nous avons pris nos bénéfices après que la Fed et la BCE ont annoncé des mesures d’assouplissement quantitatif illimité. En milieu de mois, nous avons renforcé la duration sur les bons du trésor américain et les émetteurs hautement rémunérateurs (Brésil, Afrique du Sud, Russie) et nous avons pris nos bénéfices plus tard dans le mois. Nous restons prudents à moyen terme car les mesures de confinement pourraient fortement saper la croissance et les équilibres budgétaires.
En fin de mois, la position longue sur le dollar ressort à 16 % (+10 pb) et le bêta a stagné, à 0,96. La duration absolue ressort désormais à 7 ans (+1 an) et la duration absolue à 1,8 an (+1,2 an).