Espoirs budgétaires en Europe, craintes de « Trumpcession » aux États-Unis

Alors que l’incertitude économique s’intensifie aux États-Unis, les politiques budgétaires en Europe apportent une lueur d’espoir. Dans ce contexte d’aversion au risque, nous procédons à une réallocation de nos positions en actions en dehors des Etats-Unis, en privilégiant les marchés européens et en diversifiant notre exposition via les actions mondiales. Dans le même temps, en raison de la hausse des primes de risque, nous préférons les emprunts d’Etat, tant aux Etats-Unis qu’en Europe. Nos convictions d’investissement tiennent compte des craintes grandissantes d’une possible « Trumpcession », mais aussi des efforts que fait l’Europe pour stimuler la croissance économique, notamment par le biais de dépenses massives dans la défense et les infrastructures en Allemagne.

En conséquence, nous avons réduit notre exposition aux actions mondiales à neutre, en adoptant une approche équilibrée entre les secteurs et les régions hors États-Unis, tout en passant à une position de sous-pondération sur les actions américaines. Sur les marchés obligataires, nous préférons être exposés à la duration en Europe « core » (Allemagne), où une croissance modérée et une poursuite du processus de désinflation en 2025 sont anticipées. À l’inverse, nous ne sommes plus vendeurs sur la duration américaine car nous pensons que les risques d’une baisse de la croissance l’emporteront sur les risques d’une hausse de l’inflation dans les prochains mois. En outre, nous rééquilibrons notre exposition à la paire euro/dollar et restons acheteurs sur le yen japonais.

 

Aversion au risque et marché américain

Le climat actuel du marché plaide en faveur d’une approche plus prudente, avec un accent sur la diversification géographique pour atténuer la volatilité. Un sentiment d’aversion au risque s’installe, amenant les investisseurs à réduire leur exposition aux actions américaines.

financiers.

Le retour de Donald Trump sur la scène politique fait craindre des hausses des droits de douane, de possibles guerres commerciales et, au bout du compte, un resserrement budgétaire susceptible d’enrayer la dynamique économique. L’imposition de droits de douane sur le Canada et le Mexique a d’importantes retombées économiques, notamment en raison du caractère intégré de la chaîne d’approvisionnement en Amérique du Nord. Bon nombre d’acteurs du marché se sont vus contraints de revoir leur opinion initiale selon laquelle les menaces de droits de douane de Donald Trump n’étaient rien d’autre qu’une tactique de négociation.

Le choc d’incertitude entourant la politique commerciale sous le deuxième mandat de Donald Trump est inédit et dépasse celui observé lors de son premier mandat. Cette incertitude affecte les décisions d’investissement, la gestion des stocks et les prévisions économiques plus générales, entraînant une révision à la baisse des anticipations concernant la croissance américaine et alimentant ainsi une boucle de rétroaction négative.

 

Le plus inquiétant sans doute est la nature imprévisible de la mise en œuvre de ces politiques, rendant l’évaluation des risques et les valorisations extrêmement difficiles. Plusieurs facteurs se combinent entre eux et se potentialisent pour créer des effets plus négatifs, affectant la confiance des entreprises et des ménages et attisant les craintes d’une « Trumpcession ». En résumé, les différents facteurs à l’origine de la forte détérioration du contexte sont :

  • Un ralentissement de l’économie américaine : la croissance du PIB américain est appelée à décélérer, passant d’environ 3 % en 2024 à environ 2 % en 2025, selon les prévisions des indicateurs. La montée des tensions commerciales, l’incertitude économique et le resserrement des conditions financières pèsent déjà sur la confiance et les nouvelles publications économiques. Ce ralentissement se traduit par une tendance baissière des indicateurs de surprises économiques, qui sont passés de positives à négatives fin février, à l’image de l’évolution observée au printemps dernier.
  • Risques de guerre commerciale : après l’imposition de droits de douane américains agressifs sur les importations en provenance de Chine, du Mexique et du Canada, suivie de tarifs douaniers « réciproques » sur le reste du monde, les flux commerciaux internationaux pourraient souffrir, freinant les bénéfices des entreprises et la croissance économique.
  • Austérité budgétaire : les négociations budgétaires en cours aux États-Unis laissent entrevoir une baisse des dépenses susceptible d’affecter de façon disproportionnée les ménages à faibles revenus, avec pour conséquence un ralentissement de la consommation et de l’activité économique.

Pour couvrir ces risques, nous transférons des capitaux vers l’Europe et les marchés émergents, dont les valorisations semblent plus attrayantes et où les politiques de relance budgétaire s’accélèrent.

 

Relance budgétaire européenne : une situation contrastée

Alors que l’économie américaine est aux prises avec l’incertitude politique, l’Europe adopte une posture budgétaire plus proactive. Les initiatives récentes dénotent un engagement à soutenir la croissance et font de l’Europe une destination plus stable pour l’investissement, renforçant le rééquilibrage au détriment des actions américaines.

  • Assouplissement des contraintes budgétaires : la Commission européenne souhaiterait une plus grande flexibilité dans les règles budgétaires, permettant un gonflement des déficits pour stimuler la croissance.
  • Investissements dans la défense et l’industrie : l’assouplissement budgétaire en Europe devrait être majoritairement consacré à l’accroissement des dépenses militaires et à des aides à l’industrie, ce qui contribue à l’embellie des perspectives de croissance.
  • Fonds d’infrastructure de 500 milliards d’euros en Allemagne : confirmant ce spectaculaire changement d’état d’esprit vis-à-vis de l’austérité budgétaire, l’Allemagne entend engager un plan d’infrastructures sur 10 ans en faveur des chemins de fer, des infrastructures numériques et des réseaux énergétiques. Ce plan devrait stimuler l’activité économique à hauteur de près d’un point de PIB par an à partir de 2026 et créer un environnement plus favorable pour les investisseurs à long terme, y compris via les actions à moyenne capitalisation.
  • Redressement des bénéfices en Europe : en conséquence, les prévisions de bénéfices des entreprises européennes sont révisées à la hausse, contrairement aux États-Unis où elles sont révisées à la baisse. Cette force fondamentale soutient la surperformance des actions européennes depuis le début de l’année.

Cependant, il ne faut pas oublier que si l’Europe est pour l’instant moins affectée par les droits de douane américains, d’éventuels tarifs douaniers – susceptibles d’entrer en vigueur le 2 avril – pourraient faire naître de nouveaux risques. C’est là un élément fondamental qui nous empêche de devenir plus optimistes à l’égard des actions européennes.

De l’autre côté de l’Atlantique, nous constatons que le marché actions américain, qui avait enregistré un rebond prolongé sous l’impulsion des méga-capitalisations technologiques, rencontre désormais des difficultés alors que les bénéfices des entreprises se retrouvent sous pression. Le slogan « Drill, baby, drill » de Donald Trump entraîne une surproduction qui tire les cours mondiaux du pétrole vers le bas. Bien qu’elle réduise indéniablement les risques d’inflation, cette situation freine également la croissance des bénéfices dans le secteur de l’énergie, sachant que les pays de l’OPEP envisagent d’accroître leur production.

En conséquence, nous avons réduit notre exposition aux actions mondiales à neutre, en adoptant une approche équilibrée entre les secteurs et les régions hors États-Unis, tout en passant à une position de sous-pondération sur les actions américaines.

Tout en réduisant l’exposition aux États-Unis, il sera essentiel de maintenir une exposition diversifiée aux actions en 2025. Malgré l’incertitude accrue à court terme, les actions mondiales continuent néanmoins d’offrir des opportunités de croissance à long terme et nous allouons des capitaux à différentes régions et différents secteurs : nous conservons une opinion globalement neutre vis-à-vis des marchés émergents et du Japon. En dépit des risques géopolitiques persistants, la Chine en particulier demeure un acteur clé sur les marchés mondiaux. L’engagement de Pékin en faveur du soutien budgétaire et de l’expansion des capacités industrielles offre des opportunités d’investissement sélectives.

 

Attrait des obligations souveraines  ̶  exposition accrue à la duration américaine, maintien d’une position longue sur la duration en Europe

Les facteurs qui sous-tendent la révision à la baisse des prévisions de croissance économique et des bénéfices se manifestent également sur les marchés de taux : les anticipations concernant la politique monétaire sont tiraillées entre les craintes entourant la croissance américaine et les espoirs que suscitent les dépenses budgétaires en Europe. Concernant l’Allemagne, les émissions supplémentaires pour financer les dépenses de défense et d’infrastructures ne devraient pas mettre en cause le maintien de la note AAA du pays.

À mesure de la montée des incertitudes économiques, l’attrait pour les obligations de haute qualité se renforce. Face à la hausse des primes de risque, les investisseurs rééquilibrent leurs portefeuilles pour y inclure des obligations à duration plus longue tant aux États-Unis qu’en Europe. Nos convictions sont les suivantes :

  • Opinion positive vis-à-vis des obligations européennes: la relance budgétaire soutenant la croissance et l’inflation restant relativement contenue, le maintien d’une duration longue en Europe demeure attrayant. Les taux réels en Allemagne ont grimpé, reflétant la confiance qu’inspirent les plans budgétaires, tandis que les spreads des obligations européennes restent relativement stables. Dans ce contexte, nous conservons une position longue sur la  duration via les Bunds allemands.
  • Opinion neutre vis-à-vis du marché obligataire américain : malgré l’incertitude économique à court terme, la Réserve fédérale devrait pour le moment maintenir une position prudente à l’égard des taux d’intérêt. Ce contexte offre l’occasion d’allonger la duration sur les bons du Trésor américain, tirant ainsi parti de rendements plus élevés tout en atténuant les risques potentiels liés au marché actions. Contrairement aux anticipations du marché, qui ont considérablement évolué depuis fin 2024, nos anticipations concernant la politique de la Fed restent ancrées à environ deux baisses des taux en 2025, suivies de deux réductions supplémentaires en 2026.
  • Obligations à haut rendement abaissées à une position de sous-pondération : en phase avec la plus grande prudence qui caractérise l’environnement d’investissement, nous ramenons les obligations à haut rendement européennes et américaines à une position de sous-pondération. Les spreads restent inférieurs aux niveaux historiques alors que les facteurs techniques et les fondamentaux demeurent solides. Les obligations d’entreprise à haut rendement semblent constituer le maillon faible dans un portefeuille multi-actifs, sachant qu’une amélioration de l’environnement aurait peu d’impact sur les spreads tandis qu’une détérioration pourrait entraîner un creusement. Clairement, la convexité n’est plus prise en compte au moment où l’incertitude entourant les politiques augmente et sape la confiance.

En résumé, dans ce paysage économique changeant, une stratégie d’investissement proactive et flexible reste essentielle. Une approche plus prudente impose une réduction de l’exposition aux actions américaines et le maintien d’un portefeuille diversifié. En particulier, la relance budgétaire en Europe fait contrepoids aux incertitudes aux États-Unis, renforçant l’argument en faveur d’un rééquilibrage au profit des marchés européens. Sur les marchés obligataires, la hausse des primes de risque plaide pour un ajustement de l’allocation en faveur des obligations à duration longue aux États-Unis et en Europe, et pour une réduction de l’exposition aux titres à haut rendement. Face à la montée des craintes d’une « Trumpcession », les investisseurs doivent gérer ces dynamiques avec prudence et recherchent la stabilité dans un contexte volatil.

Candriam House View & Convictions

Le tableau ci-dessous est un indicateur des principales expositions et des mouvements au sein d'un portefeuille modèle diversifié et équilibré.
Légende
  • Opinion très positive
  • Opinion positive
  • Neutre
  • Opinion negative
  • Opinion très négative
  • Aucun changement
  • Exposition réduite
  • Exposition accrue
Positionnement (vue actuelle) Variation
Action mondiales
États-Unis
Zone euro
Euopre hors zone euro
Japon
Marchés émergents
Obligations
Europe
Europe "core"
Europe périphérique
IG Europe
HY Europe
États-Unis
États-Unis
IG États-Unis
HY États-Unis
Marchés émergents
Dette publique en devise forte
Dette publique en devise locale
Devises
EUR
USD
GBP
AUD/CAD/NOK
JPY

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