La hausse des taux américains s'est poursuivie tout au long du mois de mars, avec une certaine stabilisation en avril, sous l'effet de l’amélioration des chiffres macroéconomiques (en matière d'emploi notamment), de la campagne de vaccination en cours et de la perspective d'une relance budgétaire encore plus importante. Les taux américains ont atteint 1,75 % en mars, tandis que les taux allemands ont oscillé autour d’un niveau relativement stable de -0,3 %. Alors que les marchés obligataires des pays centraux affichent des rendements légèrement négatifs, l’optimisme est revenu sur les marchés avec une hausse significative des actifs à risque et des rendements positifs sur les obligations souveraines des pays périphériques. Les produits de spread comme le crédit (Investment Grade & High Yield) et la dette émergente ont également temporairement augmenté vers la seconde moitié du mois de mars. Malgré un sentiment général plutôt positif, il convient de noter que certaines parties de la zone euro et aussi certains marchés émergents (Inde et Brésil) ont enregistré une forte augmentation des cas de COVID-19 accompagnée de nouvelles mesures de confinement, allant jusqu’au confinement complet dans certains cas.
Les États-Unis conservent leur avance sur les autres pays en matière de perspectives macroéconomiques, car la reprise économique semble y être bien avancée et notre cycle d'activité interne fait ressortir une probabilité accrue d’entrer dans la phase d'expansion. Les indicateurs macroéconomiques sont solides après avoir marqué une légère pause en février, et un million d'emplois supplémentaires ont été créés en mars (même s’il existe encore de la marge pour revenir aux niveaux d'avant la pandémie). Les deux éléments clés de la solidité des perspectives américaines semblent toutefois être la campagne de vaccination, qui progresse rapidement, et les mesures de relance budgétaire. En effet, alors que le programme de relance actuel est en cours de mise en place, l'administration Biden prépare apparemment un nouveau plan de soutien de l’ordre de deux mille à trois mille milliards de dollars qui pourrait stimuler encore davantage l'économie américaine. Le programme de vaccination européen ne semble pas connaître la même réussite qu'aux États-Unis ou au Royaume-Uni, mais nous prévoyons un rattrapage à mesure que les gouvernements redoubleront d'efforts pour que la majorité de la population soit vaccinée d'ici la fin de l’année. En raison de ce retard, l'Europe donne l’impression d’être un peu à la traîne dans le cycle d’activité, même si les chiffres ont toujours bonne allure. Le soutien budgétaire pourrait également être renforcé dans la zone euro, les gouvernements nationaux réfléchissant à des mesures supplémentaires, alors que le programme actuel « Next Generation » de l’UE est en cours de ratification. Les chiffres d’inflation semblent également alimenter la hausse des taux aux États-Unis, qui sont désormais bien ancrés en terrain inflationniste. Toutefois, au sein de la zone euro et au Royaume-Uni, l'inflation accuse toujours du retard tout en restant en zone de reflation. Même si nous nous attendons à ce que la hausse de l'inflation se poursuive, nous pensons qu'il est peu probable qu’elle transforme la hausse actuelle des taux en cycle de relèvement des taux. Ce point de vue a été validé par les positions de la Fed et de la BCE, qui ont réitéré leur intention de conserver leurs programmes d'assouplissement quantitatif et leur attitude accommodante. La Fed, en particulier, a également exprimé sa volonté d'adopter une attitude plus souple vis-à-vis de l'inflation, en laissant perdurer des niveaux d'inflation plus élevés avant d'agir. Nous reconnaissons par conséquent que la hausse des taux de base est susceptible de se poursuivre à court terme et que la prudence est de mise dans ce contexte.
Avis négatif sur les taux américains
Le retour de la croissance et de l’inflation est le bienvenu aux États-Unis et pourrait se poursuivre grâce aux nouvelles mesures de relance budgétaire qui ont été votées et sont actuellement en cours de mise en place. Le programme de Joe Biden sera axé sur des mesures de relance budgétaire supplémentaires et devrait apporter un soutien crucial bien nécessaire. Dans ce contexte, nous nous attendons à ce que les taux américains continuent d'évoluer à la hausse. Nous prenons également note du fait que les positions vendeuses sur les taux américains ont diminué et que l'offre semble être plus faible en avril. Compte tenu du contexte général, nous conservons une position négative sur les taux américains, tout en prenant quelques bénéfices sur les opérations qui ont porté leurs fruits. Nous conservons également une position positive sur les obligations américaines indexées sur l'inflation. Le cycle d'inflation reste favorable avec une forte hausse attendue de l'inflation globale et de l'inflation sous-jacente au cours des deux prochains mois aux États-Unis. Avec en outre des prévisions de croissance élevées pour les deuxième et troisième trimestres, nous avons revu à la hausse nos objectifs de point mort d’inflation. Enfin, les obligations américaines indexées sur l'inflation continuent d'offrir un portage attractif et tout en ayant conscience que les valorisations sont en train de se tendre à l’extrémité courte de la courbe et qu'un changement du sentiment lié au risque pourrait peser sur cette classe d'actifs, nous maintenons notre conviction acheteuse pour le moment. Le portage des points morts d’inflation reste plus favorable du côté américain que du côté européen.
Notre exposition négative aux taux néo-zélandais est maintenue en raison de chiffres économiques positifs, de la réduction du soutien monétaire (baisse des achats d'actifs par la banque centrale) et d’un portage moins intéressant. La courbe des taux devrait continuer de se redresser à court terme.
Allemagne et la France et positif sur l’Italie
Dans l'ensemble, les indicateurs cycliques, qu’il s’agisse de l’activité économique ou de l’inflation, sont toujours favorables à la reprise économique anticipée. Bien que le cycle budgétaire soit moins favorable aux pays centraux de l’UE, le soutien monétaire reste très positif, grâce au programme d'achat d'actifs (APP), à l'augmentation et à la prolongation du programme d'achat d'urgence face à la pandémie (PEPP) annoncées en décembre et à l’accélération des achats annoncée en mars pour lutter contre l'impact de l'épidémie et la faiblesse de l'inflation. Ces programmes resteront un élément important des facteurs techniques en 2021, car les flux nets d’émissions souveraines en euro resteront négatifs, sans compter les émissions de l’UE qui contribueront également à alléger la pression de financement sur les émetteurs souverains. Pour avril, la dynamique de l'offre est très favorable. Enfin, les indicateurs de juste valeur continuent de faire ressortir la cherté des taux de base tandis que le positionnement des investisseurs signale une forte demande du côté de l’achat de duration. Dans ce contexte, nous continuons de sous-pondérer les marchés centraux de la zone euro (Allemagne et France en particulier) par rapport aux marchés périphériques. Dans nos fonds en euros, nous sous-pondérons la duration via les taux américains qui sont comparativement plus susceptibles de sous-performer.
Les marchés souverains périphériques restent soutenus par les politiques budgétaires et monétaires, avec la présence attendue du fonds de relance européen qui devrait leur accorder des subventions importantes. L'offre sera très favorable en avril. En base relative, la dynamique des flux est également en train de s’améliorer pour les pays périphériques par rapport aux pays centraux. Le positionnement est toujours un facteur négatif, car il reste fortement acheteur sur ces marchés. Bien que les risques politiques se soient atténués avec le nouveau gouvernement Draghi, il sera important de surveiller l'issue de la décision de la Cour constitutionnelle allemande sur le processus de ratification du fonds de relance européen « Next Generation ». Nous maintenons notre préférence pour l'Italie et l'Espagne.
Devises des marchés développés : long NOK contre SEK
Notre cadre d’analyse interne continue de faire ressortir un avis négatif sur le dollar américain en raison de l’augmentation du double déficit. Toutefois, avec l'amélioration de la croissance et l'augmentation potentielle de l'activité économique, la Fed devrait être plus patiente à court terme et ne pas prendre immédiatement de nouvelles mesures de soutien. Dans ce contexte mitigé, le dollar pourrait connaître un moment de répit après une période de baisse, ce qui explique notre position neutre.
Nous conservons enfin notre position acheteuse sur la couronne norvégienne contre la couronne suédoise. La Banque de Norvège a adopté une position plus restrictive suite à l’augmentation des chiffres d’inflation, ce qui ouvre la voie à une éventuelle hausse des taux. De son côté, la banque centrale suédoise a choisi une approche radicalement différente en augmentant et en prolongeant son programme d’assouplissement quantitatif en décembre, tout en s’exprimant plus ouvertement sur la vigueur de sa monnaie et en faisant preuve d’une réelle prudence quant à l’impact sur l’inflation.
Crédit: préférence pour les marchés européens du crédit
En dépit de la poursuite de la hausse des taux, les marchés du crédit ont fait preuve d'une certaine résilience au cours du mois écoulé, affichant même des rendements positifs dans un environnement toujours favorable à la prise de risque. Même si nous continuons de travailler dans un environnement de faibles rendements, il est clair que le soutien budgétaire et monétaire de grande ampleur et les programmes de vaccination dans le monde entier conduisent les marchés à anticiper une amélioration des perspectives macroéconomiques. Enfin, le positionnement s’est allégé alors que l'offre devrait être moins importante que par le passé. Sachant en outre que les spreads de crédit restent relativement attrayants dans un environnement de faibles rendements, les investisseurs devraient continuer d’affluer dans la classe d'actifs.
Obligations IG & HY européennes: les spreads ont remarquablement bien résisté dans un environnement de hausse des taux, marqué par un léger recul du positionnement acheteur et des valorisations un peu moins tendues. Nous pensons que les rendements plus élevés attireront davantage d'acheteurs vers cette classe d'actifs. L'amélioration des perspectives à moyen terme grâce aux progrès attendus dans la lutte contre la COVID-19, ainsi que le soutien monétaire de grande ampleur, continueront d’avoir une incidence positive sur le segment du crédit européen. Les fondamentaux des émetteurs s'améliorent et nous nous attendons à un nombre croissant de nouvelles positives pendant l'année. Le désendettement se poursuit et les bilans s'améliorent. Nous pensons par conséquent que les défaillances ont passé leur pic et pourraient se réduire dans les mois à venir. Dans ce contexte, nous avons un avis positif sur le segment Investment Grade en euro et, du point de vue des valorisations, nous privilégions les titres hybrides par rapport à la dette de premier rang, tout en conservant un avis favorable sur les obligations financières. Le secteur financier européen devrait bénéficier de la hausse des taux et de la pentification de la courbe des taux et les tranches plus risquées telles que les AT1 offrent un bon rendement. Sur le segment du haut rendement (HY), les spreads entre titres BB et BBB restent à des niveaux intéressants malgré la compression des spreads entre les segments HY et IG et nous privilégions par conséquent les notations BB. Compte tenu des valorisations, nous privilégions là encore les titres hybrides par rapport à la dette senior.
Obligations IG & HY américaines: malgré des prévisions de bénéfices qui restent excellentes pour le crédit américain, nous pensons que le redressement des bilans a été pleinement intégré par le marché et nous prenons note du redémarrage des fusions et acquisitions et d'une offre légèrement plus abondante sur le front IG. Dans ce contexte, nous conservons une sous-pondération des obligations IG américaines, tout en restant neutres et sélectifs sur le front du haut rendement américain.
Nous estimons enfin que les obligations convertibles en euro devraient bénéficier d’une dynamique favorable, en raison notamment de l’action coordonnée du fonds de relance « Next Generation » de l’UE, des surprises positives et de la meilleure visibilité des résultats trimestriels, d’un brouhaha politique moins important qu'aux États-Unis et d’une certaine reprise économique en Chine.
Dette émergente : avis positif lié aux devises émergentes
Notre score Global Macro est neutre ce mois-ci, soutenu par une liquidité toujours abondante, mais freiné par les niveaux excessivement tendus des indicateurs d’appétence au risque sur les marchés développés. Les obligations américaines présentent un risque et nous maintenons notre positionnement vendeur (short). Parallèlement, la Chine et les matières premières ne devraient plus représenter des moteurs de performance majeurs, la Chine ne se plaçant plus en tête de la reprise et le marché des matières premières étant exposé à une hausse de l’offre. Les cours du pétrole devraient se stabiliser, en raison de l’augmentation progressive de la production de l’OPEP, d’un redémarrage des puits de pétrole aux États-Unis et de l’arrivée sur le marché de la production en provenance d’Iran. Ce sont là des facteurs qui évoluent lentement et ils sont compensés par une demande mondiale toujours forte et une baisse des stocks. Les métaux industriels devraient être soutenus par les dépenses d’infrastructure, mais ils seront confrontés à une hausse de l’offre. Les métaux précieux subissent la pression de la remontée des rendements réels aux États-Unis. En ce qui concerne les segments de la dette émergente, les fondamentaux sont positifs pour les entreprises (faible taux de défaillance) et pour les devises émergentes (excédents extérieurs importants), mais ils sont négatifs pour les taux (remontée de l’inflation) et neutres pour la dette souveraine en devise forte (légers ajustements budgétaires par rapport à l’année passée). Les facteurs techniques se montrent majoritairement difficiles pour les obligations souveraines, en raison de l’offre anticipée et du positionnement très important, alors que les devises émergentes et les obligations en devise locale ont connu un assainissement des positions. La valorisation est attrayante pour la dette en devise forte (obligations souveraines et crédit) par rapport au High Yield américain, mais elle s’avère néanmoins plus tendue en termes absolus. Les obligations ont gagné un certain attrait, à la faveur d’une pentification des courbes des taux, et les devises émergentes restent bon marché, à en juger par leurs niveaux de taux de change effectif réel représente un resserrement de facto des conditions financières.