Les banques centrales pourraient-elles marquer une pause ?

 

Le ralentissement du cycle d’activité se sera poursuivi quasiment jusqu’en fin d’année, tous les pays du G10 se trouvant désormais en situation de « ralentissement » ou de « récession. Cette tendance correspond parfaitement aux prévisions du FMI, qui avait revu à la baisse ses chiffres sur la croissance mondiale. Les États-Unis sont également concernés par cette tendance et les données récentes, comme l’ISM du secteur manufacturier, sont en baisse, même si le risque de récession semble s’être estompé. Si les marchés pointent vers une courbe des taux non-inversée, l’intervention de la Fed sur les marchés des prises en pension pourrait également expliquer le phénomène. Au sein de la zone euro, le cycle continue de décélérer et la probabilité d’un retournement est désormais supérieure à 50 %, tandis qu’au Japon, le cycle ralentit toujours. L’économie britannique ne semble pas s’améliorer et reste en phase de récession, même si l’incertitude sur le « Brexit » a disparu grâce à l’accord entre les deux parties sur une nouvelle échéance (le 31 janvier 2020). Globalement, la faiblesse du cycle économique, confirmée par nos modèles internes (depuis le début de l’année 2019) est bien avérée, même si la probabilité d’une récession forte s’est atténuée. De bonnes nouvelles, comme la signature d’un accord de phase 1 dans le cadre de la guerre commerciale sino-américaine, ainsi que l’endiguement des tensions entre les États-Unis et l’Iran, ont également contribué à l’amélioration de l’aversion au risque. Malgré les efforts historiques des banques centrales, les niveaux d’inflation restent obstinément bas.

Cependant, les banques centrales pourraient marquer une pause dans leur activité ; certaines ont en effet commencé à évoquer d’éventuelles révisions de leurs objectifs d’inflation. La Fed semble être en mode attentiste, tandis que la BCE (depuis peu sous la présidence de Christine Lagarde) a lancé une revue stratégique et exhaustive de ses objectifs et outils de politique monétaire, qui sera achevée en juin 2020. Malgré cela, les banques centrales restent accommodantes, dans un contexte marqué par l’expansion des bilans pour les pays du G4 : la Fed rachète maintenant des actifs sur la partie très courte de la courbe, à l’image des programmes de la BCE et de la Banque du Japon. La politique monétaire dans les pays émergents (Chine, Brésil, Inde…) a également pris une tournure accommodante, caractérisée par de nombreuses baisses de taux.

 

Sous-pondération tactique sur les principaux taux Européens, neutre sur les États-Unis

Ces dernières semaines ont été tout particulièrement marquées par la perspective, puis la signature, d’un accord de phase I dans le cadre des négociations commerciales entre les États-Unis et la Chine. La fin de l’inversion de la courbe des taux américaine a également soutenu les marchés, car elle indique une plus faible probabilité de récession. Si les données macroéconomiques continuent de se stabiliser, la Fed pourrait maintenir ses taux aux niveaux actuels. Les dernières prévisions du FMI et les données macroéconomiques appellent à la prudence, et la Fed est sous pression, tenue de conserver un ton conciliant pendant cette année électorale durant laquelle le président Trump exigera, au pire, une attitude accommodante. Dans ce contexte, après avoir été négatifs, nous préférons passer neutres sur les taux américains. Les taux des principaux pays européens ont connu une forte progression ; les taux allemands se sont tendus de -0,7 % à -0,2 % en seulement 4 mois, en l’absence d’évolution en ce qui concerne la croissance ou l’inflation. En effet, il semble que l’amélioration sur le front des risques exogènes (« Brexit » dur et élection de Boris Johnson et succès de l’accord de phase I) ait suffit pour tirer les taux des pays « core » à la hausse. Cette tendance a également été en partie alimentée par la révélation d’une division au sein du conseil d’administration de la BCE sur l’appréciation du QE et l’annonce d’une revue, actuellement en cours, sur l’efficacité du programme. Si les niveaux de valorisation peuvent justifier quelques prises de bénéfices après un beau parcours, nous considérons que dans l’environnement actuel, la hausse des taux dans les pays « core » pourrait se poursuivre. Par conséquent, nous maintenons une position vendeuse sur les taux allemands et suivons cette dernière très attentivement. Le marché des obligations indexées à l’inflation (les « linkers ») a enregistré des performances contrastées : les marchés US et EUR se sont bien comportés, mais le RU a sous-performé après la forte appréciation de la livre sterling. Notre vue sur les « linkers » en euro est légèrement positive ; cette classe d’actifs devrait en effet bénéficier du programme d’assouplissement quantitatif de la BCE, de valorisations attrayantes et d’une meilleure dynamique de l’offre.

Avis positif sur les obligations souveraines des pays périphériques

Les marchés périphériques ont continué de bénéficier de l’assouplissement quantitatif de la BCE. La dynamique des flux liée aux nouveaux achats et aux réinvestissements devrait continuer de soutenir les marchés périphériques, sachant notamment que la BCE n’a pas encore racheté suffisamment d’obligations des pays périphériques pour satisfaire ses objectifs clés de capital.

 

Devises des marchés développés : position neutre sur le dollar

Notre cadre d’analyse interne fait toujours ressortir un avis négatif à l’égard du dollar américain. Les baisses de taux de la Fed et son attitude conciliante vont également dans le sens d’un affaiblissement du dollar, le président américain manifestant clairement sa préférence pour un billet vert affaibli. Nous pensons toutefois qu’après leurs récentes interventions, les banques centrales vont faire une pause. Dans ce contexte, nous préférons avoir une position neutre sur le billet vert, tout en continuant à gérer notre position de manière tactique.

 

Crédit : maintien d’une exposition aux obligations européennes Investment Grade

Notre vue favorable sur le crédit européen Investment Grade reste inchangée et nous continuons de surveiller attentivement les risques idiosyncratiques. Sur le segment Euro IG, la qualité de crédit sur les émissions High Grade nous semble saine, et nous observons plus de relèvements de notes que de baisses.

 
 

Marchés émergents : Positionnement plus constructif

Nous restons prudemment favorables à la dette émergente en devise forte (EMD HC), la classe d’actifs continuant de bénéficier explicitement de l’attitude accommodante des banques centrales des marchés développés et des marchés émergents, de perspectives stables sur les matières premières et de l’espoir d’une détente prochaine des relations commerciales sino-américaines. La possibilité d’un mini accord commercial de « Phase 1 » entre les États-Unis et la Chine au plus tard d’ici la fin du 1er trimestre 2020 devrait donner un coup de pouce au sentiment de risque. Les valorisations absolues de la classe d’actifs ne sont plus aussi attrayantes qu’en début d’année, bien qu’il existe des poches de valeur sur certains segments, notamment sur les obligations notées B- et BB-, qui concentrent nos expositions, ainsi qu’en termes relatifs par rapport au crédit américain, le pourcentage de titres obligataires offrant un rendement négatif étant passé au-dessus de son sommet de 2016.

Pour la dette émergente en devises fortes, nous maintenons une duration légèrement positive, le potentiel des obligations locales des marchés émergents restant supérieur à celles des marchés développés. Nous avons toutefois réduit notre duration au cours du 4e trimestre, les banques centrales des marchés émergents étant déjà bien avancées dans leur cycle d’assouplissement.

Notre scénario de référence pour 2020 est une stabilisation de la croissance dans les marchés émergents et développés, ce qui est plutôt de nature à favoriser les devises émergentes à la duration. Au sein des monnaies émergentes, nous privilégions les devises des pays qui ont profité du ralentissement de la croissance pour limiter leur demande intérieure et améliorer leur balance extérieure.

 

Devises fortes

La dette émergente en devises fortes a connu une nette hausse après l’annonce d’un accord commercial entre la Chine et les États-Unis, à l’image d’autres actifs risqués comme les actions américaines et les devises émergentes. Traditionnellement, les rendements des Bons du Trésor et du spread de crédit divergent dans un marché où l’appétit pour le risque domine. Les spreads émergents ont baissé de 34 points de base (à 291 pdb) et le rendement du Bon du Trésor américain à 10 ans a augmenté de 14 pdb (à 1,92 %).

Le nouveau gouvernement argentin a rapidement mis en œuvre une série de mesures de lutte contre la crise - augmentation des impôts, projet de loi fiscale d'urgence plus conservateur que prévu, extension des paiements des bons du Trésor en devises jusqu'au 20 août. Le nouveau gouvernement apparaît ainsi plus pragmatique qu’attendu, optant pour un péronisme modéré. Le segment du High Yield (3, %) a fait mieux que celui de l’Investment Grade (0,7 %). L'Argentine (+21,6 %) et l'Équateur (+15,3 %) affichent les meilleures performances, le Suriname (-2,1 %) et le Tadjikistan (-0,3 %) les plus faibles.

Avec un rendement de 4,9 %, la valorisation de la dette émergente en devises fortes est moins attractive qu’au début de l’année 2019. Cette classe d’actifs demeure toutefois intéressante au vu de l’encours toujours important d’obligations mondiales à rendement négatif (20 % du marché à la fin décembre). Sur les marchés émergents, le spread offert par le HY /IG demeure attractif. Même conclusion quand on compare les obligations émergentes B et BB par rapport au high yield américain. À moyen terme, la dette émergente devrait profiter de la stabilité des Bons du Trésor américains et des perspectives pour les matières premières. Au niveau mondial, la stabilisation de la croissance et du commerce pourrait enclencher le prochain cycle de resserrement des spreads émergents dans un contexte d’apaisement des tensions commerciales. Pour les 12 prochains mois, nous prévoyons que la dette émergente en devises fortes livrera un rendement d’environ 3,25 % sur la base d’un taux de 1,75 % pour le Bon du Trésor américain à 10 ans et d’un spread émergent de 325 pdb.

Nous continuons de surpondérer le high yield par rapport à l’investment grade.

Dans l’univers HY, nous restons exposés à des situations idiosyncrasiques comme l’Égypte, le Ghana ou l’Ukraine, qui continuent d’offrir de la valeur par rapport à l’équilibre des risques, ainsi qu’à des exportateurs d’énergie qui se négocient à des prix intéressants, comme l’Angola, Bahreïn ou l’Équateur. Nous conservons une exposition à l’Argentine, dont les obligations ne négocient au niveau de valeurs « en difficulté » (aux alentours des 40 %) et largement en dessous des valeurs de recouvrement estimées d’env. 60 à 70 centimes pour un dollar. Dans l’univers IG, nous détenons des positions sur l’Indonésie et la Roumanie, mais restons sous-exposés aux segments les plus chers de cet univers (Chine, Malaisie, Philippines et Pérou).

Nous restons sous-pondérés sur le Liban, la Russie et l’Arabie saoudite, estimant que les risques politiques ou de sanctions ne sont pas suffisamment rétribués par ces crédits. Nous avons une surpondération des obligations d’entreprises et quasi-souveraines du Brésil, du Mexique et de la Turquie, qui affichent des valorisations attrayantes, contre une sous-pondération de la dette souveraine. Nous conservons également une position tactique de 6 % sur l’indice de dérivés de crédit (CDX.EM) pour nous protéger d’une éventuelle recrudescence des risques liés au conflit commercial.

Devises locales

La dette émergente en devises locales a livré un rendement de 4,1 % en décembre, essentiellement grâce à l’appréciation des taux de change (3,1 %), la duration et le portage ayant rapporté 0,5 % chacun. Dans un contexte positif marqué par l'accord commercial de "phase 1" entre les États-Unis et la Chine ainsi que par une tentative de redressement de l'économie mondiale, les investisseurs ont plébiscité les actifs risqués, la courbe de taux s'est raidie aux États-Unis et la dette émergente en devises locales s'est illustrée, effaçant la correction subie en novembre. Les monnaies latino-américaines se sont distinguées dans le sillage du COP (7,4 %), du CLP (7,3 %) et du BRL (5 %). Les devises d’Europe centrale et orientale ont progressé par rapport à l’euro grâce à la bonne tenue des indicateurs macroéconomiques et à l'immobilisme des banques centrales. La Turquie est restée à la traîne sur fond de prises de bénéfices et de rhétorique nationaliste de la part de Recep Tayyip Erdogan. Les spreads de taux émergents se sont resserrés de 20 points de base par rapport aux Bons du Trésor américain. Le Mexique s’est distingué (-19 pdb), soutenu par un recul de l’inflation et un ralentissement modéré, la situation budgétaire restant saine. La Colombie et le Chili ont récupéré leurs pertes antérieures (-15 pdb chacun), tout comme l'Afrique du Sud (-16 pdb) dans un contexte de ralentissement de l'économie.

Avec un taux de 5,2 %, la dette émergente en devises locales se compare favorablement avec les autres alternatives sur les marchés obligataires, surtout compte tenu de la trêve commerciale entre la Chine et les États-Unis ainsi que des signes de reprise de la croissance mondiale. À moyen terme, la dette émergente devrait aussi bénéficier de l’amélioration des fondamentaux, des perspectives d’inflation modérée et d’une politique monétaire accommodante au niveau mondial.

Au niveau de la dette émergente en devises locales, nous avons acté nos bénéfices sur notre exposition à la duration des monnaies à taux bas et sommes désormais davantage exposés aux devises à rendement élevé. L’annonce en décembre d’un accord commercial entre la Chine et les États-Unis laisse espérer une stabilisation de l’économie mondiale et les marchés émergents à taux bas sensibles aux Bons du Trésor américain semblent avoir épuisé leur potentiel.

Au niveau de la dette émergente en devises locales, nous avons acté nos bénéfices sur notre exposition à la duration des monnaies à taux bas et sommes désormais davantage exposés aux devises à rendement élevé. L’annonce en décembre d’un accord commercial entre la Chine et les États-Unis laisse espérer une stabilisation de l’économie mondiale et les marchés émergents à taux bas sensibles aux Bons du Trésor américain semblent avoir épuisé leur potentiel.


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