
Actions européennes : surperformance non démentie
L'incertitude a probablement été le facteur dominant pour l’évolution des actions ces quatre dernières semaines.
De fait, le flou persistant entourant l'impact des politiques engagées par l'administration américaine a provoqué des ondes de choc sur l’ensemble des marchés mondiaux. Soutenues par la bonne tenue de l’économie et l’espoir d’un cessez-le-feu entre la Russie et l'Ukraine, les actions européennes ont néanmoins continué à surperformer.
En outre, les titres « Value » ont surperformé les valeurs de croissance depuis notre dernier comité du mois de février. Cette surperformance est essentiellement le fait des moyennes et grandes capitalisations. La préférence pour la « Value » a été le principal moteur de la récente progression du marché.
Parmi les secteurs défensifs, la consommation courante a émergé en tête, suivie par les services aux collectivités, tandis que la santé est demeurée globalement stable. À l'inverse, le secteur de l'énergie est resté à la traîne en raison de la chute significative du cours du pétrole Brent, qui a reflué vers 69 dollars le baril.
Au sein des secteurs cycliques, les services financiers ont clairement surperformé. Les matériaux et l'industrie se sont également bien comportés, tandis que l'immobilier et la consommation discrétionnaire ont perdu du terrain sur la période.
Enfin, les technologies de l'information ont fermé la marche, plombées par le recul de certains titres exposés à l'intelligence artificielle. En revanche, la tendance est restée positive pour les services de communication.
Prévisions de bénéfices et valorisations
Les fondamentaux restent bien orientés pour les actions européennes, qui ont continué à bénéficier de révisions positives des bénéfices pour 2025 dans presque tous les secteurs.
Les bénéfices prévisionnels sur douze mois devraient augmenter de 7,8 %. Selon le consensus, cette croissance des bénéfices par action (BPA) sera désormais tirée par les technologies de l'information, la consommation discrétionnaire, les services de communication, les matériaux et la santé (avec une croissance à deux chiffres des BPA dans chacun de ces secteurs). Les services aux collectivités et l'énergie affichent les prévisions les plus timides, même si les BPA devraient revenir en territoire positif.
Depuis le dernier comité, les multiples de valorisation en Europe ont légèrement augmenté. Le PER à 12 mois atteint désormais 14,4x, ce qui reste toutefois nettement inférieur aux multiples américains (22,0x). Les technologies de l’information et l'industrie sont les secteurs les plus chèrement valorisés (PER de 27,9x et 19,5x), tandis que l'énergie et les services financiers sont les plus abordables (PER de 8,3x et 10,0x).
À la fin février, nous avons tactiquement relevé la note du segment de l’alimentation et des boissons de neutre à +1, compte tenu des bons résultats de producteurs tels que Nestlé et Danone et des brasseurs (AB Inbev, Heineken). Leur valorisation demeure attrayante après deux ans de dépréciation, sachant que la plupart des titres concernés sont sous-détenus. En outre, l'impact des droits de douane sera nul ou faible (production locale aux États-Unis dans les secteurs de l'alimentation et de la bière). Seuls les spiritueux pourraient être affectés, mais ils sont déjà très abordables et nous anticipons une reprise du cognac (Pernod) après un an de déstockage.
Au cours de la réunion du comité de mars, nous avons apporté les changements suivants :
- Consommation courante:
Nous avons tactiquement relevé la note du secteur de neutre à +1 en raison du poids de l'alimentation et des boissons (6,5 %) par rapport à la distribution alimentaire (0,8 %) et des solides résultats de Beiersdorf. Nos segments préférés restent l'alimentation et les boissons ainsi que les produits ménagers et de soins personnels, qui bénéficient tous deux de marges résilientes.
- Santé:
Nous avons modifié notre opinion à court terme sur les équipements et services de santé, dont la note passe de +1 à neutre. Le segment a bénéficié d'une bonne dynamique des revenus et d'une exposition significative au dollar. Cependant, la faiblesse actuelle du billet vert pourrait s’avérer pénalisante et les valorisations sont devenues moins attrayantes.
Enfin, nous avons maintenu une note neutre pour les autres secteurs, car la prudence s’impose dans le contexte actuel. Nous restons également optimistes concernant les semiconducteurs européens, dont la note pourrait être relevée en cas de point d’entrée attrayant au cours des prochaines semaines, car ce secteur devrait bénéficier du redressement de l'électronique grand public au second semestre 2025 et en 2026.
Actions américaines : l'incertitude, moteur du marché
L'incertitude a été le principal moteur des actions ces dernières semaines, les inquiétudes suscitées par la politique de Donald Trump ayant provoqué des ondes de choc sur les marchés mondiaux. L'impact incertain des droits de douane sur l'inflation, la croissance et la politique monétaire a incité les investisseurs à adopter un positionnement plus défensif.
Les grandes capitalisations défensives surperforment
Après un début d'année 2025 robuste, les actions américaines ont connu une correction notable ces dernières semaines en raison de l'incertitude croissante entourant le programme de la nouvelle administration et son impact sur la croissance économique.
En conséquence, la « Value » a surperformé la croissance, tandis que les grandes capitalisations ont surperformé les petites capitalisations. Par ailleurs, les secteurs défensifs tels que la consommation courante et la santé ont nettement surperformé. Les secteurs plus cycliques, notamment la consommation discrétionnaire, les services financiers et les technologies de l'information, ont sensiblement sous-performé l'indice.
La saison des résultats du quatrième trimestre 2024 bat son plein
La saison des résultats du quatrième trimestre entre à présent dans ses dernières semaines. Au moment où nous écrivons ces lignes, presque toutes les sociétés du S&P 500 ont publié leurs résultats. Parmi celles-ci, 76 % ont annoncé des bénéfices par action supérieurs aux attentes, ce qui se traduit par une croissance des bénéfices de 18,3 % en glissement annuel – la plus élevée depuis le quatrième trimestre 2021. En moyenne, les entreprises ont dépassé les estimations de bénéfices de 7,4 % selon le rapport « Earnings Insight » de FactSet.
Pour les 12 prochains mois, la croissance des bénéfices a néanmoins été revue à la baisse, passant de 14 % à environ 12 %. L'incertitude a lourdement pesé dans cet accès de pessimisme : selon Factset Research, le nombre d'entreprises du S&P 500 invoquant le flou qu'introduisent les « droits de douane » a considérablement augmenté pour atteindre un niveau record.
Les prévisions de croissance continuent d'être principalement tirées par les technologies de l'information, la santé et l'industrie. Dans ce contexte de révision à la baisse des prévisions de bénéfices et de faible performance du marché, le ratio cours/bénéfice à 12 mois de l'indice S&P 500 a reculé à 20,7, mais demeure supérieur aux moyennes sur 5 et 10 ans.
Ajustement de notre allocation sectorielle
Bien que les fondamentaux n'aient pas changé significativement à ce stade, le risque accru d'une guerre commerciale entre les États-Unis et le reste du monde et les craintes de récession qui en découlent ont entraîné un recul considérable du dollar et des taux longs américains. Cet environnement de marché nous a incités à ajuster légèrement notre allocation sectorielle :
- Relèvement de la consommation courante à neutre (contre -1) : si les révisions des bénéfices demeurent négatives, le positionnement défensif du marché l’emporte sur les fondamentaux du secteur. Au sein de la consommation courante, nous privilégions le segment des produits ménagers et de soins personnels, relevé à +1 (contre -1). Ce secteur défensif inclut de nombreuses entreprises bénéficiant de marques fortes, d'un solide pouvoir de fixation des prix et d'une grande fidélité des consommateurs. En outre, le segment offre une valorisation attrayante. La sélection de titres demeure néanmoins essentielle.
- Abaissement de la note des services financiers : le secteur a fortement progressé depuis le relèvement de sa note après les élections américaines, les investisseurs anticipant un assouplissement de la réglementation et une hausse des taux à long terme. Mais à ce stade, nous n’identifions aucun catalyseur – déréglementation ou hausse des taux – susceptible de prolonger sa surperformance. Nous avons donc décidé de prendre quelques bénéfices.
Dans le même temps, nous avons maintenu à +1 les notes de l’industrie (qui bénéficie des tendances de relocalisation en cours) et de la santé (bons résultats, valorisations attrayantes, impact limité des droits de douane et performances sur 12 mois historiques dans le sillage des élections).
Quelles perspectives pour la technologie américaine ?
Nous sommes plus prudents vis-à-vis de la technologie américaine depuis un certain temps. Le secteur a été sévèrement pénalisé durant la récente correction du marché. Si la saison des résultats a démarré en fanfare, l'ampleur des surprises positives s’est avérée décevante. Cela suggère des anticipations de bénéfices plus conformes à la réalité, une situation qui contraste nettement avec le début de l'année dernière. De manière surprenante, le marché a très mal accueilli les chiffres publiés par certains acteurs, alors que tous les segments liés à l'intelligence artificielle continuent de susciter une très forte demande.
Cependant, le positionnement des investisseurs et les prises de bénéfices après de solides performances pèsent lourd dans l'environnement actuel. La baisse des taux longs et les bons résultats des entreprises ne suffisent pas à compenser ces facteurs négatifs. On observe néanmoins que les valorisations sont devenues plus attrayantes pour de nombreuses entreprises du secteur. Dans ce contexte, nous attendons l’émergence d'un nouveau catalyseur pour relever la note du secteur à +1.
Actions émergentes : la Chine se distingue
Les marchés émergents ont terminé le mois à +0,4 % (en USD) et ont surpassé les marchés développés (-0,8 %) qui ont été entraînés par la baisse du marché américain (-1,7 %).
Aux États-Unis, le report des droits de douane de 25 % sur le Mexique et le Canada a alimenté un rally du marché au début du mois. Cependant, les menaces tarifaires croissantes à l'égard de la Chine et d'autres pays ont inversé la tendance à la fin du mois. La politique de l'administration Trump reste très incertaine.
La Chine (+11,7 %) s'est distinguée en février, portée par l'optimisme en matière d'IA et par le regain d'intérêt des investisseurs pour les valeurs technologiques. Un catalyseur clé a été le dialogue du président Xi avec des entreprises technologiques de premier plan, indiquant une tentative de raviver la confiance du secteur privé.
L'Inde (-8,1 %) a sous-performé, plombée par les sorties d'investisseurs étrangers, les inquiétudes concernant les droits de douane et les signes de ralentissement de la croissance intérieure. L'Amérique latine (-0,8 %) a connu des performances mitigées dans la région, tandis que la Pologne (+7,7 %) a progressé grâce aux attentes croissantes d'un cessez-le-feu potentiel entre la Russie et l'Ukraine.
En ce qui concerne les matières premières, le pétrole brut a baissé de 4,7 %, tandis que l'or (+1,9 %) et le cuivre (+5,5 %) ont progressé. Les rendements américains ont terminé le mois à 4,2 %.
Perspectives et moteurs des marchés
À l'horizon 2025, la géopolitique reste une force centrale qui façonne les marchés émergents et le paysage mondial. Le changement de position de l'administration Trump introduit de nouvelles incertitudes, entraînant une volatilité accrue des marchés. La portée et l'impact potentiels des nouveaux tarifs douaniers restent imprévisibles, en particulier pour les économies des marchés émergents exportateurs. Parallèlement, l'anticipation croissante d'un cessez-le-feu entre la Russie et l'Ukraine influence le sentiment, en particulier dans les pays émergents d'Europe.
Le marché chinois est sur une tendance haussière, stimulé par une forte réévaluation de la technologie. Le gouvernement tient actuellement ses « deux sessions », la plus haute réunion politique du pays. Le communiqué met clairement l'accent sur le développement économique, en s'engageant à stimuler la demande intérieure et à donner la priorité aux investissements dans les domaines de haute technologie tels que l'IA et la robotique. L'objectif de croissance du PIB pour 2025 a été fixé à 5 %, soutenu par des mesures de relance budgétaire (notamment un relèvement du plafond de la dette de 3 à 4 %) et est aligné sur les attentes du marché.
Sur le plan thématique, l’intelligence artificielle continue d'alimenter la croissance sectorielle dans les marchés émergents. L'essor de DeepSeek souligne que les opportunités d'investissement dans l'IA sur les marchés émergents s'avèrent bien plus vastes qu'initialement prévu, allant au-delà des infrastructures pour s'étendre au développement de logiciels d'IA compétitifs à l'échelle mondiale. En outre, Alibaba améliore son propre modèle d'IA, surpassant DeepSeek R1 en termes de rentabilité.
Dans un contexte de volatilité accrue des marchés, il est essentiel d'adopter une approche d'investissement réactive, sélective et flexible. Le portefeuille tire parti de ses atouts pour ajuster dynamiquement l'exposition au risque, tirer parti des changements macroéconomiques et se positionner sur des thèmes structurels à forte conviction pour le long terme.
MISE À JOUR DU POSITIONNEMENT
Le ralentissement américain et la faiblesse du dollar pourraient être les principaux moteurs de la surperformance des marchés émergents. Le marché chinois est en position favorable, mais encore peu détenu. Nous observons toutefois que les marchés émergents ne sont pas à l’abri du sentiment d'aversion au risque qui s’affirme aux États-Unis.
Régions
En Chine, le marché de Hong Kong a bien résisté. En revanche, l'Inde est confrontée à une pression croissante. L'Europe de l'Est bénéficie d’une tendance haussière robuste.
Nous relevons la note de l'Amérique latine. La situation s’améliore au Brésil. Le Mexique possède une marge de négociation avec les États-Unis compte tenu des liens économiques entre les deux pays.
Le marché chinois de Hong Kong a bien résisté malgré la correction des bourses mondiales. Les flux via le système Southbound Stock Connect ont été importants, mais la participation étrangère limitée. Le rebond, concentré sur des valeurs technologiques telles qu’Alibaba, a permis de réduire l'écart de valorisation avec leurs homologues américaines. Les véhicules électriques, la robotique et la finance pourraient suivre le mouvement dans un deuxième temps. L’action du gouvernement cible la consommation et l'investissement, mais son impact économique n'est pas encore visible. Les tensions commerciales pourraient s'intensifier avant un éventuel sommet Trump-Xi en juin, même s’il est vrai que la Chine coopère sur des sujets tels que l'immigration, le fentanyl et l'Ukraine.
L'Inde s’avère l'un des marchés les moins performants depuis le début de l'année, sur fond de retrait des investisseurs particuliers. Bien qu'une nouvelle vague de ventes soit possible, l'Inde semble en mesure de mieux résister que d'autres marchés. De nombreuses actions de qualité ont chuté de 20 à 30 % et offriront des opportunités, mais il est peut-être trop tôt pour relever la note du pays. Un ajustement du marché est en cours après des prévisions optimistes.
Europe émergente : la région a connu une forte réévaluation, avec un bêta élevé par rapport aux grands marchés européens. La Pologne, la Hongrie et la République tchèque ont enregistré les meilleures performances, en particulier dans le secteur bancaire.
L'Amérique latine désormais surpondérée
L'Amérique latine traverse d’importants changements politiques. Le marché argentin a doublé l'année dernière grâce aux espoirs de réformes budgétaires sous le gouvernement de Javier Milei. La Colombie et le Chili connaissent une solide tendance haussière, tandis qu’une transition prend forme au Brésil.
- Le Brésil est désormais surpondéré : l'économie reste stable mais ralentit. L'inflation demeure préoccupante et la faible popularité de Lula pourrait entraîner des dépenses budgétaires, synonyme de volatilité à court terme. Les valorisations sont attrayantes, mais il faut garder en tête que des élections sont prévues en 2026. Malgré les risques à court terme, nous sommes très confiants pour les 12 à 18 prochains mois.
- Le Mexique est désormais surpondéré : son économie est étroitement liée à celle des États-Unis, les exportations représentant un tiers du PIB. La re-localisation reste un thème clé. Le marché a corrigé en avril dernier après la victoire électorale de la gauche, mais s'est stabilisé depuis. Le Mexique coopère avec les États-Unis sur les questions commerciales et frontalières, ce qui rend improbable un ralentissement important.
Secteurs
Technologies de l’information : la correction qui a frappé le secteur de la technologie semble refléter davantage le positionnement du marché que les fondamentaux. À titre d’exemple, TSMC bénéficie d’une forte demande et d’une rentabilité solide, malgré les inquiétudes concernant les investissements américains. Historiquement, les cours des actions atteignent un pic après les révisions des bénéfices, qui sont toujours en hausse. L'IA reste un moteur important, alors qu’Alibaba vient d’annoncer des investissements à hauteur de 50 milliards de dollars. La récente correction correspond donc plus à un ajustement technique qu'à un changement de cap.