La politique économique de Trump

L’élection de Donald Trump et le contrôle des deux chambres du Congrès par les républicains offrant au nouveau Président les moyens d’appliquer son programme, constituent un nouvel environnement aux Etats-Unis. 
Quelles sont les principales décisions qui seront prises par la nouvelle administration ? Quels sont leurs impacts sur l’environnement macroéconomique, sur les marchés et pour les investisseurs ? 


Florence Pisani, Chief Economist et Emile Gagna, économiste vous proposent leur lecture, tandis que Lauren Goodwin, Chief Market Strategist de notre maison mère New York Life Investments, vous apporte sa vision d’investisseur de l’autre côté de l’Atlantique.

14/02/2025 - Quelle est la finalité de la politique tarifaire américaine ?

Episode 1 - Les droits de douane

14/02/2025

Suivre la politique économique de Donald Trump peut sembler difficile. America First Trade Policy, Securing Our Borders, Unleashing American Energy, Regulatory Freeze Pending Review… En dix jours seulement, D. Trump a signé plus de décrets présidentiels que ses prédécesseurs… au cours de leurs cent premiers jours ! Derrière cette avalanche de décrets, l’orientation de la politique économique du Président n’en reste pas moins claire. D. Trump suit les grandes lignes du programme esquissé pendant sa campagne électorale : hausse des droits de douane, arrêt de l’immigration illégale, réforme de « l’Etat profond » et baisses d’impôts, soutien aux énergies fossiles et plus généralement déréglementation. La série de « posts » qui commence aujourd’hui cherche à mettre en perspective les conséquences des décisions prises par la nouvelle Administration en matière économique. Le premier est consacré à la politique tarifaire.

Les droits de douane sont l’instrument préféré de Donald Trump, notamment parce que c’est celui qu'il peut le plus librement utiliser. C’est aussi, du point de vue du Président au moins, un instrument qui permet d’atteindre plusieurs objectifs en même temps : rééquilibrer les échanges extérieurs des Etats-Unis, trouver de nouvelles recettes pour financer la reconduction de son coûteux programme de baisses d’impôts qui arrive à expiration en fin d’année, ou encore lutter contre le trafic de drogue et l’immigration illégale.

 

Premières annonces

Invoquant l’International Emergency Economic Powers Act (IIEPA) de 1977, une loi fédérale qui lui confère de larges pouvoirs face à une situation d' « urgence nationale », D. Trump a annoncé dès le 2 février dernier qu’il imposerait des droits de douane de 25 % sur le Mexique et le Canada et de 10 % sur la Chine. Jusqu’ici, l’IIEPA n’avait jamais été utilisé par un Président pour imposer des droits de douane. En mai 2019, D. Trump l’avait certes déjà brandi pour menacer le Mexique, mais il avait fait marche arrière quelques mois plus tard, un accord ayant finalement été trouvé pour enrayer l’entrée de migrants à la frontière Sud-Ouest.

Quelques jours après avoir menacé le Mexique et le Canada, le Président a finalement suspendu pour un mois la mise en place de droits de douane sur ces pays, en échange de quelques concessions visant à renforcer la sécurité aux frontières Nord et Sud. D. Trump a en revanche décidé de monter de 10 % les droits de douane sur la Chine, une hausse nettement plus faible, notons-le, que les 60 % évoqués pendant la campagne électorale. Mise en perspective, cette hausse reste pour l’instant relativement contenue (le taux moyen de droits de douane sur les produits importés par les Etats-Unis va passer de 2,5 % à 4 %) et ses effets sur l’inflation comme sur la croissance américaines devraient être faibles.

  

 

 

Quelles conséquences sur la croissance ?

S’il mettait à exécution sa menace à l’égard du Mexique et du Canada, les choses changeraient toutefois. Compte tenu du poids de ces pays dans le commerce américain, le taux moyen de droits douane dépasserait 10 %, un niveau jamais vu depuis la fin des années 1930 ! L’activité au Mexique comme au Canada serait sérieusement freinée (une perte estimée, par la Brookings[2], à 1 point de PIB si les pays ne ripostent pas et à 3 points de PIB avec une riposte de même amplitude) en raison notamment de l’importance de leur commerce avec les Etats-Unis.

 

Compte tenu de la taille de l’économie américaine, l’effet sur la croissance domestique serait plus modéré (une perte de 0.2 à 0.3 point de PIB). On peut toutefois penser que cet effet est sous-estimé car les modèles de commerce ne rendent pas complètement compte de la complexité de l’intégration économique profonde des trois économies. Dans le secteur automobile par exemple, il n’est pas rare que les produits traversent plusieurs fois les frontières : si les constructeurs américains devaient payer 25 % de droits de douane chaque fois qu’ils se fournissent au Mexique ou au Canada, cela augmenterait le prix des voitures de 3000 dollars en moyenne[3]. 

 

Imposer des droits de douane sur le Mexique et le Canada irait aussi à l’encontre de l'objectif de l'administration Trump de développer des chaînes d'approvisionnement plus sûres. Cela risquerait en outre de pousser ces pays à nouer d’autres partenariats économiques avec des pays jugés désormais plus fiables que les Etats-Unis. Paradoxalement, en mettant à mal les efforts récents de relocalisation des chaînes d’approvisionnement vers la zone américaine (near shoring), une hausse des droits de douane sur le Mexique ou le Canada pourrait même, à moyen terme, finir par profiter… à la Chine !

 

Et après ?

Pour l’heure bien sûr, l’objectif du Président semble plutôt être d’obtenir des concessions en matière de lutte contre le trafic de drogue ou l’immigration illégale. Il s’agit peut-être aussi de préparer une renégociation des termes de l’accord de libre-échange ACEUM[4] (ou USMCA) plus favorable aux Etats-Unis. Il est donc loin d’être certain que D. Trump impose des droits de douane sur l’ensemble des importations en provenance de ses partenaires historiques. En attendant, D. Trump vient toutefois d’annoncer des droits de douane de 25 % sur l’acier et l’aluminium[2] (environ 2,5 % du total des importations américaines en 2024), une hausse qui va toucher en premier lieu… le Canada et le Mexique !

Les déclarations de campagne et le décret « America First Trade Policy » pris le 20 janvier dernier, jour de l’investiture, laissent toutefois penser que Donald Trump ne s’arrêtera pas là en matière de politique tarifaire. Il disposera le 1er avril de rapports lui permettant d’agir en utilisant la Section 232 du Trade Expansion Act de 1962 ou la Section 301 du Trade Act de 1974 pour étendre ses menaces à d’autres pays… l’Europe notamment, dont Donald Trump a déjà dit qu’elle était « une atrocité en matière commerciale » !

 

à suivre !

 

[1] Trump’s 25% tariffs on Canada and Mexico will be a blow to all 3 economies
[2] Eric Levitz (2025), “Is Trump’s trade war with Mexico and Canada over? Why the tariffs might — and might not — still happen”, Vox
[3] Accord Canada-Etats-Unis-Mexique
[4] En mars 2018, invoquant des préoccupations de sécurité nationale, le président avait déjà imposé des droits de douane de 25 % sur l’acier et de 10 % sur l'aluminium, en vertu de l'article 232 de la loi de 1962 du Trade Expansion Act.

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