Le ralentissement du cycle d’activité se sera poursuivi quasiment jusqu’en fin d’année, tous les pays du G10 se trouvant désormais en situation de « ralentissement » ou de « récession ». Les États-Unis s’inscrivent indéniablement dans cette tendance, malgré les lueurs d’espoir mises en avant par la dernière déclaration de la Fed. Dans la zone euro, où le cycle économique a également été durement touché, la probabilité de récession est maintenant supérieure à 50 %. L’économie britannique ne donne pas l’impression de s’améliorer et reste en phase de récession sur fond d’incertitude liée au « Brexit ». Globalement, la faiblesse du cycle d’activité mondial, confirmée par nos modèles internes (depuis le début d’année), est présente, mais la probabilité d’une récession reste inférieure à 50 %. Aux États-Unis, le cycle d’inflation a baissé en dessous de la moyenne pour entrer en terrain désinflationniste et surtout, dans la zone euro, il semble avoir passé un cap et baissé quelque peu après avoir atteint un pic ces derniers mois. Dans ces conditions, il est donc peu surprenant que les banques centrales du monde entier aient conservé une attitude conciliante qui fait le bonheur des investisseurs. On pourrait toutefois observer une pause dans les interventions des banques centrales après l’attitude accommodante adoptée par un grand nombre de banques centrales depuis le début de l’année. La Fed est ainsi passée en mode « attentiste » tandis que la BCE semble avoir déjà épuisé ses munitions pour l’année. L’assouplissement reste néanmoins à l’ordre du jour, la Fed procédant désormais à des rachats sur l’extrémité très court terme de la courbe (tout en s’abstenant de parler d’assouplissement quantitatif) et subissant toujours des pressions importantes de la part de Donald Trump pour abaisser encore plus ses taux. Les pays émergents (Chine, Brésil, Inde, etc.) se trouvent également sur une trajectoire conciliante, l’assouplissement et les baisses de taux faisant partie intégrante de leur politique monétaire.
Sous-pondération tactique des taux américains et des pays centraux de la zone euro
Alors que la Fed a procédé à trois baisses de taux cette année, Jérôme Powell a manifesté dans son dernier discours l’espoir que ces baisses de taux stimuleront l’économie américaine face aux vents contraires persistants, comprenant l’incertitude liée au commerce et le ralentissement de la croissance mondiale. A l’heure actuelle, la banque centrale semble être en attente, malgré les pressions politiques auxquelles elle est confrontée pour baisser encore plus ses taux directeurs. Si les chiffres macro-économiques continuent de se stabiliser, la Fed pourrait maintenir ses taux à leur niveau actuel. De plus, avec une importante faiblesse déjà intégrée aux courbes de taux, les bonnes nouvelles en provenance de la guerre commerciale (où on observe des progrès sur un accord de « phase 1 » à la suite des récents pourparlers) pourraient temporairement pousser les rendements à la hausse. Dans ce contexte, et alors que le marché pourrait connaître quelques prises de bénéfices, nous avons pris une sous-pondération tactique des taux américains. En plus de valorisations tendues, la zone euro est également confrontée à une banque centrale qui a déjà fait « tout ce qu’il fallait faire » et ne semble plus avoir beaucoup de munitions. La BCE a déjà atteint ses objectifs de rachats pour le mois de décembre. La balle est maintenant dans le camp des États membres pour mettre en place des réformes budgétaires et nous nous attendons à une certaine stabilisation de l’économie. La crainte d’un « Brexit » dur est en train de s’éloigner rapidement et le risque politique est globalement moins marqué. Notre position vendeuse sur les taux allemands nous semble donc justifiée. Le marché des obligations indexées sur l’inflation (« linkers ») affiche une performance mitigée, les marchés US et EUR affichant de bons résultats tandis que le Royaume-Uni est resté à la traîne suite à la forte hausse de la livre sterling. Nous conservons un avis légèrement positif envers les linkers en euro, qui devraient bénéficier de l’assouplissement de la BCE, de valorisations attrayantes et d’une dynamique de l’offre plus favorable.
Avis positif sur les obligations souveraines des pays périphériques
Les marchés périphériques ont continué de bénéficier de l’assouplissement quantitatif de la BCE. La dynamique des flux liée aux nouveaux achats et aux réinvestissements devrait continuer de soutenir les marchés périphériques, sachant notamment que la BCE n’a pas encore racheté suffisamment d’obligations des pays périphériques pour satisfaire ses objectifs clés de capital. Avec l’élargissement des spreads observé ces derniers mois, les valorisations apparaissent un peu plus attrayantes qu’auparavant. De plus, le risque politique s’est en partie atténué en Italie et en Espagne, et le positionnement des investisseurs est moins extrême après les prises de bénéfices qui ont été enregistrées.
Devises des marchés développés : position neutre sur le dollar
Notre cadre d’analyse interne fait toujours ressortir un avis négatif à l’égard du dollar américain. Les baisses de taux de la Fed et son attitude conciliante vont également dans le sens d’un affaiblissement du dollar, le président américain manifestant clairement sa préférence pour un billet vert affaibli. Nous pensons toutefois qu’après leurs récentes interventions, les banques centrales vont faire une pause. Dans ce contexte, nous préférons avoir une position neutre sur le billet vert, tout en continuant à gérer notre position de manière tactique.
Notre scoring reste positif sur la couronne norvégienne et nous avons donc conservé notre position acheteuse sur cette devise, qui bénéficie également d’une économie relativement solide, où le cycle économique, bien qu’en territoire baissier, a peu de chances de tomber en récession et où les surprises économiques devraient être positives.
Crédit : maintien d’une exposition aux obligations européennes Investment Grade
Bien que nous conservions un avis favorable à l’égard de la classe d’actifs du crédit européen Investment Grade (IG), nous continuons de surveiller de près les risques idiosyncrasiques. Les achats de la BCE restent le principal facteur de soutien de ces marchés et les fondamentaux des entreprises ne sont pas en train de se détériorer comme on pouvait le craindre, car elles continuent de se désendetter et de maintenir de bonnes marges d’exploitation. La qualité du crédit des valeurs les mieux notées semble solide, les révisions de notation à la hausse étant plus nombreuses que les révisions à la baisse. Cependant, avec 20 % d’entreprises BBB exposées au risque d’une rétrogradation vers le high yield, la sélectivité est d’une importance primordiale. Avec le programme de rachat actuel, l’offre nette sera négative, ce qui soutiendra le marché au comptant des obligations du secteur privé et contiendra la hausse des spreads, renforçant d’autant l’intérêt du crédit européen Investment Grade.
Avec le programme de rachat actuel, l’offre nette sera négative, ce qui soutiendra le marché au comptant des obligations d’entreprises et contiendra la hausse des spreads, ce qui représente un facteur favorable supplémentaire pour le crédit IG européen.
Sur le segment IG en euro, la qualité de crédit des valeurs les mieux notées apparaît solide, avec davantage de révisions à la hausse que de révisions à la baisse, ce qui n’est pas le cas pour le haut rendement. Le crédit européen semble être la seule opportunité dans un contexte de rendements négatifs sur les obligations souveraines et bénéficie par conséquent d’importantes entrées de capitaux. Dans le contexte actuel de ralentissement de l’économie et d’incertitude liée aux conflits commerciaux, au « Brexit » et aux autres risques géopolitiques, la décision de la BCE d’adopter une attitude conciliante, de baisser ses taux et de relancer son programme de rachats d’actifs aura une incidence positive sur les obligations IG du secteur privé. Avec le programme de rachat actuel, l’offre nette sera négative, ce qui soutiendra le marché au comptant des obligations du secteur privé et contiendra la hausse des spreads, renforçant d’autant l’intérêt du crédit européen Investment Grade.
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Marchés émergents : avis prudemment positif
Nous restons prudemment favorables à la dette émergente en devise forte (EMD HC), la classe d’actifs continuant de bénéficier explicitement de l’attitude accommodante des banques centrales des marchés développés et des marchés émergents, de perspectives stables sur les matières premières et de l’espoir d’une détente prochaine des relations commerciales sino-américaines. La possibilité d’un mini accord commercial de « Phase 1 » entre les États-Unis et la Chine au plus tard d’ici la fin du 1er trimestre 2020 devrait donner un coup de pouce au sentiment de risque. Les valorisations absolues de la classe d’actifs ne sont plus aussi attrayantes qu’en début d’année, bien qu’il existe des poches de valeur sur certains segments, notamment sur les obligations notées B- et BB-, qui concentrent nos expositions, ainsi qu’en termes relatifs par rapport au crédit américain, le pourcentage de titres obligataires offrant un rendement négatif étant passé au-dessus de son sommet de 2016.
En ce qui concerne la dette émergente en devise locale (EMD LC), nous conservons notre biais positif sur la duration, estimant qu’il existe une valeur relative résiduelle entre les obligations locales des marché émergents et des marchés développés, bien que nous ayons réduit notre exposition à la duration en octobre et en novembre, car les banques centrales des marchés émergents ont déjà réalisé plus de la moitié de leur cycle d’assouplissement.
Notre scénario de référence pour 2019 prévoyait une croissance faible, mais en voie de stabilisation, sur les marchés développés et émergents, ce qui favorisait la duration par rapport aux devises émergentes. Parmi celles-ci, nous avons privilégié les devises des pays qui ont profité du ralentissement de la croissance pour comprimer la demande intérieure et améliorer leurs soldes extérieurs.
Devises fortes
La dette émergente en devise forte a sous-performé (-0,5 %) en raison de l’incertitude accrue quant à un accord commercial, avec une contribution négative du rendement des bons du Trésor (-0,4 %) et des spreads (-0,1 %). Les spreads émergents ont baissé de 4 pb (à 324 pb), tandis que le rendement des bons du Trésor américain à 10 ans augmentait de 7 bp (à 1,77 %). Les risques politiques intérieurs des marchés émergents sont restés élevés. En Équateur, les actifs ont enregistré une forte correction après que le gouvernement ait échoué à convaincre le Parlement d’adopter les réformes budgétaires nécessaires, ce qui pourrait compromettre le plan de financement du FMI. Un projet de loi plus restreint a depuis lors été soumis et son adoption en décembre devrait permettre le décaissement de 1,5 milliard de dollars par le FMI / IFI. Il est probable que les primes de risque resteront élevées, les investisseurs devant réévaluer la perte de crédibilité subie par le gouvernement. Au Liban, les acteurs politiques n’ont pas réussi à former un nouveau cabinet ou à élaborer des plans de financement. Ces événements n’ont pas eu de répercussion sur les autres marchés émergents. Le high yield a sous-performé la dette IG (-1,3 % contre 0,2 %), le Venezuela et l’Argentine affichant les meilleures performances (à respectivement 16,1 % et 2,0 %), tandis que le Liban et l’Équateur affichent les plus mauvaises (-18,8 % et -14,4 %).
Avec un rendement de 5,1 %, les valorisations de la dette émergente en devise forte sont moins attrayantes en valeur absolue qu’au début de l’année, tout en offrant encore de la valeur en base relative face à un univers grandissant d’obligations internationales à rendement négatif (à 22 % à fin novembre). L’écart de taux entre la dette émergente à haut rendement et la dette émergente IG reste attrayant, tout comme celui des obligations émergentes notées B ou BB par rapport à leurs homologues du marché High Yield américain. L’intérêt à moyen terme de la dette émergente reste soutenu par les perspectives stables des bons du Trésor américain et des matières premières. La stabilisation de la croissance mondiale et des échanges commerciaux pourrait favoriser une nouvelle compression des spreads émergents, mais les chiffres mondiaux continuent de s’affaiblir et les risques de guerre commerciale perdurent. Sur un horizon d’un an, la dette émergente en devise forte devrait offrir un rendement de l’ordre de 5 %, dans l’hypothèse d’un rendement des bons du Trésor américain à 10 ans de 1,75 % et de spreads émergents à 325 pb.
Nous maintenons une surpondération de la dette HY par rapport à la dette IG, bien que nous ayons nettement réduit cette position en renforçant nos expositions à la dette IG du Chili, de la Colombie, de l’Indonésie, du Panama et de la Roumanie et en réduisant notre exposition aux exportateurs d’énergie comme Bahreïn, le Nigéria ou Oman.
Dans l’univers HY, nous restons exposés à des situations idiosyncrasiques comme l’Égypte, le Ghana ou l’Ukraine, qui continuent d’offrir de la valeur par rapport à l’équilibre des risques, ainsi qu’à des exportateurs d’énergie qui se négocient à des prix intéressants, comme l’Angola, Bahreïn ou l’Équateur. Nous conservons une exposition à l’Argentine, dont les obligations ne négocient au niveau de valeurs « en difficulté » (aux alentours des 40 %) et largement en dessous des valeurs de recouvrement estimées d’env. 60 à 70 centimes pour un dollar. Dans l’univers IG, nous détenons des positions sur l’Indonésie et la Roumanie, mais restons sous-exposés aux segments les plus chers de cet univers (Chine, Malaisie, Philippines et Pérou).
Nous restons sous-pondérés sur le Liban, la Russie et l’Arabie saoudite, estimant que les risques politiques ou de sanctions ne sont pas suffisamment rétribués par ces crédits. Nous avons une surpondération des obligations d’entreprises et quasi-souveraines du Brésil, du Mexique et de la Turquie, qui affichent des valorisations attrayantes, contre une sous-pondération de la dette souveraine. Nous conservons également une position tactique de 6 % sur l’indice de dérivés de crédit (CDX.EM) pour nous protéger d’une éventuelle recrudescence des risques liés au conflit commercial.
Devises locales
La dette émergente en devise locale (EMD LC) a perdu 1,8 % en novembre, en raison principalement de l’évolution des devises (-1,6 %), les taux contribuant pour -0,26 % et le portage pour 0,46 %. La surperformance de l’économie américaine et l’exclusion à la marge de baisses de taux de la Fed ont soutenu le dollar (DXY 0,9 %), mais la faiblesse des devises émergentes s’est concentrée sur l’Amérique latine, où l’agitation sociale semble s’être propagée à partir du Chili et de l’Équateur. Les PMI montrent que la croissance mondiale pourrait être en train de se stabiliser, tandis que les négociations commerciales sino-américaines s’éternisent. Le ton reste positif malgré les querelles diplomatiques autour de Hong Kong et de la communauté des Ouïghours. Les taux centraux ont été plus volatils sur le mois, les taux américains à 10 ans s’envolant à 1,94 % avant de terminer en hausse de 8 pb. Les taux locaux des marchés émergents ont sous-performé de 5 pb. L’Amérique latine a sous-performé, pénalisée par le peso chilien (-8 %) et le réal brésilien (-5 %), le Brésil ayant souffert de l’échec de ses enchères pétrolières. Le rand sud-africain a surperformé (+2,8 %), se remettant du mauvais accueil réservé au budget à moyen terme. Les taux ont surtout été vendus en Amérique latine (40 pb au Brésil et en Colombie, 30 pb au Mexique), tandis que le reste de l’indice est généralement resté stable.
Avec un rendement de 5,2 %, nous pensons que la dette émergente en devises locales se compare bien aux autres alternatives obligataires, d’autant plus que nous nous attendons maintenant à un répit dans les tensions commerciales sino-américaines et l’exceptionnalisme de la croissance américaine et à un environnement d’assouplissement monétaire généralisé au niveau mondial. Sur un horizon d’un an, la dette émergente en devises locales devrait offrir un rendement de l’ordre de 5,7 %, en faisant l’hypothèse prudente d’un rendement de -1 % sur le change et de +1,5 % sur la duration. Une surperformance des devises émergentes apparaît peu probable dans un contexte de ralentissement de la croissance mondiale, bien qu’un rééquilibrage externe soit en cours dans la plupart des pays émergents et que leurs banques centrales aient réussi à mettre en place des cycles de hausse des taux pour maintenir les primes de risque attrayantes de 2018 qui n’ont pas disparu par rapport aux obligations des marchés développés.
Au sein de la dette émergente en devises locales, nous préférons conserver des expositions envers les taux émergents plutôt qu’envers les devises émergentes, en privilégiant les marchés obligataires qui offrent des primes de risque élevées par rapport aux bons du Trésor américain, ce qui s’avère le cas pour un large éventail de marchés locaux à rendement faible ou élevé. La stratégie EMD LC a une duration très longue sur des dettes à rendement peu élevé comme la Chine, la République tchèque ou la Malaisie, ou à rendement élevé comme l’Indonésie, le Mexique et l’Afrique du Sud, une duration moyennement longue sur des dettes à rendement élevé comme le Pérou et la République dominicaine, et une duration quasiment neutre sur le reste des marchés obligataires émergents en devise locale.
Les chiffres de croissance se sont stabilisés à l’échelon mondial, alors que le marché d’attendait à une accentuation du ralentissement. Avec la perspective d’une trêve dans le conflit commercial sino-américain et des valorisations favorables, les devises émergentes ont rebondi mais restent cantonnées dans une fourchette. La possibilité d’une percée haussière dépendra de la confirmation de l’accord dit de « phase 1 » ainsi que de surprises positives concernant la croissance des marchés émergents.
maintien d’une exposition aux obligations européennes Investment Grade