2020 restera dans les annales comme l’année de nombreuses « premières », durant laquelle les ménages, les entreprises, les banques centrales, les gouvernements, les organismes privés comme publics, ont été contraints de gérer le choc massif provoqué par la pandémie de coronavirus. Cependant, du point de vue des investisseurs, et si l’on regarde les principales classes d’actifs couvertes par notre stratégie multi-actifs, l’année 2020 ne sort pas particulièrement du lot en termes de performances (en euros). Derrière les chiffres plutôt moyens se cache, en réalité, une divergence croissante entre les gagnants et les perdants de la crise. Qu’il s’agisse de régions ou de secteurs, certains ont réussi à atténuer l’impact de la crise ou à répondre aux nouveaux besoins des consommateurs. L’année prochaine, le talent des gérants actifs sera plus que jamais mis à l’épreuve.
Nos premières conclusions
Aujourd’hui, l’heure est venue de tirer les premières conclusions de cette année de pandémie.
2020
Une analyse croisée des performances en devises locales au 30 novembre montre que la majorité des classes d’actifs sont en territoire positif. En fait, seules les actions européennes et le pétrole ont sous-performé. Les actions européennes ont été impactées par les difficultés supplémentaires liées aux discussions sur les conditions de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Le pétrole affiche la plus mauvaise performance en 2020. La demande pour l’or noir s’est effondrée avec l’arrivée du virus. Le pétrole vient d’entamer une reprise et a enregistré parmi les meilleures performances en novembre.
En relatif, et si on les compare à l’inflation de la zone euro, toutes les classes d’actifs ont surperformé à l’exception des actions de la zone euro, des matières premières et du pétrole. Par rapport aux années précédentes, et si l’on remonte jusqu’à 2004, 2020 est en fait une année plutôt ordinaire.
Un examen plus approfondi révèle des facteurs qui ne sont pas apparents au premier regard. En effet, un écart croissant se creuse entre les gagnants et les perdants, en termes de régions mais également de secteurs, au fur et à mesure que la crise évolue. Celle-ci a bouleversé la gouvernance politique et les schémas de consommation, et par conséquent, la stratégie d’allocation d’actifs.
Un facteur qui change la donne
A moyen terme, le vaccin va changer la donne. Si les effets secondaires sont peu nombreux et que le virus ne mute pas, la moitié de la population occidentale devrait être vaccinée d’ici mi-2021. Par conséquent, les économies de l’Ouest devraient renouer avec leur tendance de croissance à long terme durant le premier semestre de 2021. Cette perspective de données économiques solides va stimuler le rattrapage de la croissance.
Au-delà de ce rattrapage mécanique, le soutien politique des banques centrales et des gouvernements permettra d’assurer que le rebond mécanique se transforme en reprise durable.
Le « Grand Confinement » – le nom donné à la crise par le FMI – portera la dette publique à ses plus hauts niveaux historiques et les bilans des banques centrales à des trillions de dollars, ces dernières facilitant la réponse budgétaire en finançant en grande partie l’accumulation de dette.
Sur la voie de la reprise : une rotation en faveur de la value
Le premier semestre de 2021 sera axé sur la transition vers une reprise durable.
Un tel changement de paradigme devrait ouvrir la voie à une nouvelle rotation de marché. Malgré leurs valorisations élevées, les actions sont moins chères aujourd’hui que les obligations. Au sein des actions, puisque la performance de la value est largement corrélée avec la courbe des taux et que ces valeurs ont été particulièrement touchées durant la crise, nous pensons que la rotation actuelle en faveur du style value, observée depuis peu, devrait se poursuivre durant une grande partie de l’année 2021.
Cette tendance plaide en faveur d’une exposition :
- À des secteurs spécifiques, comme les banques européennes et américaines, qui affichent un fort potentiel de revalorisation,
- À d’autres valeurs de la thématique « retour au travail »
- À certains pays, comme le Royaume-Uni.
Nous considérons aujourd’hui le Royaume-Uni comme un marché « deep value ». Le pays a été frappé par le coronavirus alors qu’il était en pleine négociation sur les termes du « Brexit », suite au référendum qui s’est tenu en juin 2016. Aujourd’hui, le positionnement des investisseurs est à son plus bas. La devise se classe parmi les monnaies les plus sous-valorisées en Europe et le FTSE 100, l’indice le plus « value » de la zone, affiche le plus mauvais historique de performance depuis 2015. A ce jour, aucun compromis n’a été trouvé sur la concurrence ouverte et loyale et les droits de pêche des pays de l’UE dans les eaux britanniques. Par conséquent, les deux parties ne sont pas encore parvenues à un accord sur le « Brexit ». Malgré les espoirs d’une sortie « en douceur », un « Brexit » dur reste une possibilité.
Les autres zones géographiques qui sortent du lot :
- Les actions des marchés d’Amérique latine, et particulièrement le Brésil.
Au sein des marchés obligataires, et notamment du segment du crédit, la voie de la reprise passe par des spreads historiquement faibles, qui laissent peu de marge d’appréciation pour les obligations High Yield et Investment Grade en Europe et aux États-Unis.
La dette émergente ainsi que les obligations gouvernementales des pays émergents afficheront toujours les meilleurs profils portage / volatilité.
Des turbulences sont peut-être à prévoir durant le second semestre, car les marchés seront confrontés à des incertitudes dans plusieurs domaines :
- La situation politique en Europe avec les élections législatives en Allemagne
- La politique monétaire, car il faudra esquisser les stratégies de sortie de crise, en évitant un resserrement trop strict (« taper tantrum »)
- En géopolitique, avec la redéfinition des relations sino-américaines dans l’ère post Trump.
- La croissance bénéficiaire, avec des marchés qui vont reprendre leur souffle après un rebond initial robuste, mais mécanique.
La résilience est la clé : conserver les gagnants à long terme
A plus long terme, la résilience est la clé. Les secteurs et les régions qui émergent de cette crise sanitaire en position de force, soit car ils ont bénéficié du changement des habitudes de consommation, soit car ils ont mis en place une gouvernance durable et intelligente, ont pu prendre une avance durable sur les autres.
En termes de régions, la Chine et l’Allemagne se distinguent particulièrement. Du côté des secteurs, les énergies propres et la rénovation seront aux premières loges et bénéficieront de nouveaux investissements stables.
La Chine a réussi à contenir le virus le plus rapidement, et de manière durable. L’économie du pays s’est redressée et continue sa transition vers plus de consommation. Celle-ci a vocation à se renforcer avec l’urbanisation. Les grandes capitalisations chinoises de classe A, exposées au marché domestique, bénéficieront du rééquilibrage de l’économie.
L’Allemagne sort du lot grâce à sa gouvernance solide et au soutien de taille apporté aux ménages et aux entreprises. Son marché actions a bien performé et devrait continuer à bénéficier de son exposition cyclique. Plus diversifié que celui de ses pairs, il est davantage exposé à la croissance chinoise, un facteur positif pour la reprise économique allemande.
Le monde post-Covid devrait favoriser les entreprises technologiques, dans le cadre de la transformation digitale. Même si le télétravail ne se généralise pas entièrement, il doit pouvoir être mis en œuvre sans délai, en cas de crise. Or le travail à distance induit des besoins importants et des investissements lourds en technologie de l’information.
L’après Covid sera également propice aux valeurs de santé. Cette tendance devrait s’inscrire sur le long terme, non seulement en raison de la pandémie actuelle, mais également des facteurs démographiques mondiaux. La population vieillit et ses besoins augmentent. Les habitants des pays du G20 dépensent plus, en raison de leur âge et de leur niveau de vie plus élevé.
Enfin, la neutralité carbone entraînera vraissemblablement des investissements significatifs. La transition vers le Pacte Vert européen, les objectifs du Plénum chinois et d’autres programmes avancent vite.
Notre stratégie multi-actifs actuelle
Compte tenu des facteurs exposés ci-dessus et rassurés par l’amélioration des perspectives à moyen terme, nous préférons les actions aux obligations et surpondérons aujourd’hui les actions.
Nous privilégions les actions européennes et émergentes. Nous sommes neutres envers les actions américaines et japonaises. En termes d’opportunités thématiques tactiques, notre stratégie s’appuie sur une rotation de marché en faveur des secteurs value, y compris des valeurs bancaires européennes et américaines, qui devraient bénéficier d’une courbe des taux qui a atteint le creux de la vague.
Nos principales convictions thématiques nous confortent dans l’idée d’un changement structurel post-Covid qui favorisa les actions de l’industrie pharmaceutique et du numérique, ainsi que l’Asie. Les évolutions sociétales et environnementales nous incitent à investir afin de capitaliser sur les tendances d’adaptation et d’atténuation.
Au sein des marchés obligataires, le renforcement du profil de risque de la stratégie s’est accompagné d’une exposition aux obligations convertibles. Nous sommes également positionnés sur la dette émergente, qui offre le portage le plus élevé. En revanche, nous avons allégé notre exposition au crédit Investment Grade (Europe et États-Unis).
Nous conservons un biais court en termes de duration, une sous-pondération des emprunts d’État en Europe (sur les pays « core ») et une surpondération des obligations européennes de pays périphériques.
En termes d’allocation devises, notre positionnement est vendeur sur l’USD vs. EUR, vendeur sur l’USD vs JPY et acheteur sur la NOK vs EUR.
Les risques restent présents et nécessitent une gestion de portefeuille agile et active. Le risque que le vaccin soit confronté à des écueils dans les processus de fabrication ou de distribution, voire en termes d’acceptation par la population, ne doit pas être exclu. Nos stratégies de couverture s’appuient sur l’or et l’utilisation d’options sur les actions européennes.