L’intelligence artificielle fascine par sa puissance et son potentiel économique, et les marchés boursiers ont certainement profité de ce rêve.
Que devons-nous anticiper pour 2025 ? Cette technologie continuera-t-elle à nous surprendre ? Pour répondre à cette question, examinons les revenus tangibles générés jusqu’à présent, et les revenus qui pourraient émerger à l’avenir.
Revenus potentiels : place au réalisme
Depuis le lancement de ChatGPT[1], les actions du secteur de l’intelligence artificielle ont surperformé l’ensemble du marché d’environ 70 % (graphique 1). Dès lors, il n’est pas exagéré de penser que les valeurs liés à l’intelligence artificielle ont constitué le principal moteur de performance des marchés financiers.
Examinons les revenus actuels de l’intelligence artificielle et ceux que nous verrons probablement à l’avenir. En 2024, les sociétés qui se trouvent dans le « sweet spot » (c’est-à-dire celles qui ont trouvé un équilibre optimal entre coûts et avantages liés à l’IA), comme Nvidia et Taiwan Semiconductors, sont celles qui entraînent des modèles d’IA pour générer des prédictions ou tirer des conclusions, ainsi que leurs fournisseurs. Cela englobe notamment les fabricants de semiconducteurs d’un certain type, les fabricants de systèmes de refroidissement pour centres de données ainsi que les sociétés développant des générateurs d’électricité. Avec des recettes tangibles provenant de l’intelligence artificielle représentant déjà entre 10 % et 80 %[2] des revenus totaux, ces entreprises ont connu une forte progression de leur cours de Bourse. Au regard des plans d’investissement des processeurs de données d’IA, ce secteur devrait continuer à enregistrer une croissance substantielle de ses revenus.
Les entreprises de second rang, notamment les consultants en informatique ainsi que d’autres secteurs liés à la gestion des données, commencent à tirer parti des opportunités offertes par l’IA. On trouve parmi elles Accenture consulting et Servicenow software. Leurs nombreux clients potentiels, issus de divers secteurs, détiennent d’importantes quantités de données qu’ils ne sont pas encore en mesure d’exploiter pleinement à l’aide de solutions d’intelligence artificielle. Pour la troisième catégorie, qui comprend les clients des consultants, il est peut-être trop tôt pour savoir quels utilisateurs finaux seront en mesure d’utiliser l’IA pour améliorer leurs marges. Des laboratoires pharmaceutiques innovants, des sociétés travaillant sur les processus de production industrielle et les entreprises proposant des services financiers seront probablement parmi les bénéficiaires de l’IA, si ce n’est en termes de revenus, du moins en termes d’économies de coûts. La liste pourrait être longue et variée : pensez à Holologic, SAP et même Candriam !
ChatGPT s’informe-t-il lui-même sur les risques ?
Nous pensons que l’IA sera un puissant moteur de l’économie mondiale. Il est toujours difficile de prévoir les échéances précises des nouvelles technologies. Par exemple, la nouvelle offre en électricité pourra-t-elle répondre à la demande massive provenant de l’intelligence artificielle? Le cabinet de conseil McKinsey estime que l’alimentation des centres de données aux États-Unis pourrait représenter jusqu’à 12 % de la demande totale d’électricité dans ce pays3. À l’heure actuelle, il y a une pénurie d’experts qualifiés en matière d’IA, et cette pénurie pourrait entraver le déploiement complet de cette technologie.
Les performances passées ne garantissent pas les résultats futurs.
Le plus grand risque à l’horizon, selon nous, réside dans l’abus de cette technologie, même s’il est non intentionnel. Des biais peuvent en résulter. Par exemple, des algorithmes de prêt mal « entraînés » pourraient offrir des conditions moins favorables ou refuser des crédits à des demandeurs issus de minorités. La désinformation est également exacerbée par des outils alimentés par l’IA, comme les « deepfakes ». Pendant la crise sanitaire de Covid-19, les algorithmes des réseaux sociaux ont amplifié la désinformation sur les vaccins. Par ailleurs, les violations de la confidentialité des données sensibles constituent un défi majeur.
En tant qu’individus, nous sommes tous concernés par ces risques liés à l’IA, même si nous choisissons de ne pas être des investisseurs. La technologie de reconnaissance faciale (TRF), l’un des segments de l’intelligence artificielle, nous permet d’embarquer plus rapidement dans les avions et offre une sécurité pratique pour nos téléphones portables. Mais cette technologie mal entraînée a été à l’origine d’arrestations de personnes innocentes, en particulier des personnes issues de minorités. Certains régimes autoritaires utilisent des caméras et des technologies de reconnaissance faciale sur leurs citoyens pour collecter des informations personnelles sans leur consentement. Avec un milliard de caméras de surveillance déployées à travers le monde fin 2021, nous considérons la reconnaissance faciale comme l’une des utilisations les plus risquées de l’IA.
L’avenir passera par la mise en place de garde-fous
Il incombe aux parties prenantes, notamment aux investisseurs, de jouer un rôle actif dans l’établissement de garde-fous pour l’IA. En 2021, Candriam fut à l’origine d’une déclaration relative à la TRF signée par 55 sociétés d’investissements représentant plus de 5 000 milliards de dollars d’actifs sous gestion. Les leaders de l’industrie ont pris note des préoccupations exprimées, et certains ont commencé à agir. Alors que les investisseurs prennent de plus en plus conscience de leurs responsabilités en matière de financement de l’IA, des gestionnaires d’actifs représentant un total de 8 500 milliards de dollars ont signé la Déclaration de l’investisseur sur l’IA éthique, codirigée par Candriam.
Par ailleurs, les régulateurs des différents pays adoptent des approches divergentes. Dans l’Union européenne, la loi sur l’intelligence artificielle introduit progressivement un cadre basé sur les risques pour les applications d’IA, dans le but d’équilibrer les avantages apportés par cette technologie et la sécurité publique. Aux États-Unis, certains membres de la future administration de Donald Trump, comme Elon Musk, se sont déjà exprimés en faveur d’une réduction des barrières réglementaires dans le domaine technologique. En l’absence de régulations globales robustes, la responsabilité de garantir des pratiques éthiques en matière d’IA revient de plus en plus aux entreprises et aux investisseurs.
« Oh, Baby it’s a Wild World ! »
D’après la World Benchmarking Alliance, « les risques et les opportunités de l’IA se sont matérialisés à une vitesse exceptionnelle au cours des deux dernières années ».[3]
L’IA accélère la recherche scientifique dans le domaine de la santé, améliore nos infrastructures et nos communications et nous aide à développer les nouvelles technologies dont nous avons besoin de toute urgence pour lutter contre le changement climatique.
Les investisseurs pourront contribuer à limiter à la fois leurs propres risques d’investissement et les risques pour la société en étant sélectifs. Nous pouvons privilégier les investissements dans des entreprises qui contribuent positivement à un déploiement plus sûr de l’IA, telles que les entreprises de cybersécurité ou celles qui renforcent la protection de la vie privée.
Nous sommes convaincus que les entreprises qui saisissent les opportunités et les défis liés au développement durable en combinaison avec les opportunités et les défis financiers sont les plus susceptibles de générer de la valeur. L’avenir de l’intelligence artificielle nous semble prometteur.
[1] Première version de démonstration sortie en novembre 2022.
[2] Estimation de Candriam.
[3] AI’s power binge
[4] La World Benchmarking Alliance (WBA) est un organisme de référence mondialement reconnu, tant par les entreprises que par les investisseurs, en matière de normes liées à l’IA. Elle « héberge » la Déclaration de l’investisseur sur l’IA éthique 2024 | World Benchmarking Alliance