Les mesures prises par la Chine peuvent-elles protéger son économie, compte tenu de la menace imminente de droits de douane avec le retour de Donald Trump ?
Le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche en 2025 pourrait s’accompagner d’une hausse des tensions entre les États-Unis et la Chine. Son administration devrait réintroduire des droits de douane et des restrictions commerciales dans le cadre de son programme « l’Amérique d’abord » (« America First »), ce qui mettra la pression sur l’économie chinoise, déjà en difficulté. Bien que le Mexique ait dépassé la Chine en 2023 en tant que principal partenaire commercial des États-Unis, Pékin demeure un acteur clé du déficit commercial américain, ce qui expose l’économie chinoise à de potentielles nouvelles barrières tarifaires.
Les politiques commerciales de Trump pourraient toucher la Chine de plein fouet, les droits de douane visant potentiellement jusqu’à 60 % de ses exportations dans le pire des scénarios[1]. Des secteurs tels que la technologie, l’industrie manufacturière et les biens de consommation seraient les plus touchés par ces mesures. Les économistes de Candriam prévoient que ces droits de douane pourraient réduire 2 % la croissance économique de la Chine, ce qui compliquerait encore davantage la réalisation de l’objectif de croissance de 5 % du pays.
En parallèle, la Chine est confrontée à des défis internes majeurs, tels que l’endettement élevé des collectivités locales, la morosité du marché immobilier et la faiblesse de la consommation. La principale question est de savoir si Pékin peut résister à cette épreuve et s’adapter à un environnement mondial plus contraignant.
La réponse de la Chine aux défis économiques à ce jour
La Chine a pris un certain nombre de mesures pour relever ses défis économiques. Elle a abaissé les taux d’intérêt, réduit la quantité d’argent que les banques doivent détenir en réserve et introduit des mesures visant à stabiliser son marché immobilier qui est en difficulté. Par exemple, les taux hypothécaires ont été réduits et les gouvernements de provinces ont été encouragés à acheter les logements invendus. Pékin envisage également d’injecter davantage d’argent dans les banques d’État pour stimuler le crédit.
Si ces efforts ont apporté un certain soulagement à court terme, comme le rebond du marché boursier chinois, leur impact global reste limité. Des défis majeurs tels que la chute des prix de l’immobilier, la faible confiance des consommateurs et la déflation (baisse du niveau général des prix) continuent de peser sur l’économie[2].
Pour 2025, les dirigeants chinois prévoient d’augmenter les dépenses publiques, d’émettre davantage de dette et d’assouplir encore la politique monétaire. Leur stratégie met l’accent sur la stimulation de la consommation intérieure, l’amélioration de l’efficacité des investissements et le soutien à des secteurs tels que les infrastructures et la technologie. Mais pour que ces mesures fonctionnent, le gouvernement devra peut-être faire preuve de plus d’audace, notamment en procédant à des réformes plus profondes d’ouverture de l’économie.
Qu’est-ce que cela signifie pour les marchés mondiaux ?
Les difficultés économiques de la Chine ne concernent pas seulement le pays, elles pourraient également affecter les marchés mondiaux. Les économies qui dépendent de la demande chinoise, en particulier les marchés émergents d’Amérique latine et d’Afrique, pourraient pâtir d’un ralentissement prolongé de l’économie chinoise. Un dollar américain plus fort sous une administration Trump pourrait affaiblir la monnaie chinoise, le yuan, rendant les exportations chinoises plus chères et moins compétitives à l’échelle mondiale.
En parallèle, les pressions déflationnistes de la Chine pourraient se propager à d’autres économies, réduisant l’inflation et posant des problèmes aux pays dépendant des exportations, tels que l’Allemagne. Toutefois, il pourrait y avoir des opportunités sur les marchés de la dette. À mesure que les entreprises déplacent leurs chaînes d’approvisionnement hors de Chine, des pays comme le Viêtnam, l’Indonésie et le Mexique attirent davantage d’investissements dans les secteurs manufacturier et de la logistique. Les producteurs de cuivre d’Amérique latine, en particulier du Chili et du Pérou, pourraient également bénéficier de la vigueur de la demande mondiale de métaux.
Les marchés boursiers chinois peuvent-ils rebondir ?
Malgré ces difficultés, les marchés boursiers chinois pourraient rebondir en 2025 grâce aux efforts de relance en cours. L’indice MSCI China devrait augmenter de 9 % l’année prochaine[3], aidé par une base de comparaison favorable, compte tenu des faibles performances de ces dernières années. Les initiatives ciblant les consommateurs, telles que les subventions pour les véhicules électriques et les mesures en faveur du tourisme, devraient se poursuivre, stimulant des secteurs-clé du pays.
Les secteurs liés à la demande intérieure, tels que le commerce électronique, l’éducation et les biens de consommation, pourraient tirer leur épingle du jeu. Les jeux en ligne pourraient également prospérer, car leur succès dépend davantage de l’innovation des produits que de l’économie en général. Toutefois, les entreprises technologiques confrontées aux restrictions américaines à l’exportation pourraient continuer à éprouver des difficultés. Dans ce contexte, les actions cotées sur les bourses de Chine continentale (actions de catégorie A) devraient surperformer celles négociées à Hong Kong (actions de catégorie H), car elles sont moins exposées aux risques géopolitiques.
La Chine prend des mesures pour stabiliser son économie, mais des incertitudes subsistent. Le succès de ses plans dépendra de la rapidité et de l’efficacité avec lesquelles elle mettra en œuvre les nouvelles mesures. Dans le même temps, l’approche de Trump en matière de droits de douane pourrait être plus stratégique que purement punitive, ce qui laisserait une marge de manœuvre pour la négociation. Pour les investisseurs, cet environnement incertain pourrait créer des opportunités dans des secteurs soutenus par des politiques ciblées. Une approche sélective sera essentielle pour identifier ces opportunités et naviguer dans les complexités d’une économie mondiale en mutation.
[1] La Chine s’est préparée au choc des menaces tarifaires de Trump, malgré ses vulnérabilités.
[2] Certains investisseurs établissent un parallèle entre la situation économique actuelle de la Chine et celle du Japon dans les années 1990, marquée par l’éclatement d’une bulle immobilière et des décennies de stagnation. Le marché obligataire chinois aux prises avec la « japonisation »
[3] Source : Candriam